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prie qu’on se rappelle que, si on distille à la cornue un morceau de bois, le charbon qui restera après la distillation ne pèsera pas un sixième du poids du morceau de bois ; si on brûle le charbon, on n’en obtiendra qu’une très petite quantité de cendre, qui diminuera encore quand on en aura retiré les sels lixiviels.

» Cette petite quantité de cendre étant la partie vraiment fixe, l’analyse chimique dont je viens de tracer l’idée prouve assez bien que les parties fixes d’un morceau de bois sont réellement très peu de chose, et que la plus grande portion de matière qui constitue un morceau de bois est destructible et peut être enlevée peu à peu par l’eau, à mesure que le bois se pourrit…

» Maintenant, si l’on conçoit que la plus grande partie du bois est détruite, que le squelette ligneux qui reste est formé par une terre légère et perméable au suc pétrifiant, sa conversion en pierre, en agate, en sardoine, ne sera pas plus difficile à concevoir que celle d’une terre bolaire, crétacée, ou de toute autre nature : toute la différence consistera en ce que cette terre végétale ayant conservé une apparence d’organisation, le suc pétrifiant se moulera dans ses pores, s’introduira dans ses molécules terreuses, en conservant néanmoins le même caractère…[1] »

Voici encore quelques faits et quelques observations qu’on doit ajouter aux précédentes. En août 1773, à Montigni-sur-Braine, bailliage de Châlons, vicomté d’Auxonne, en creusant le puits de la cure, on a trouvé, à 33 pieds de profondeur, un arbre couché sur son flanc, dont on n’a pu découvrir l’espèce. Les terres supérieures ne paraissent pas avoir été touchées de main d’homme, d’autant que les lits semblent être intacts, car on trouve au-dessous du terrain un lit de terre glaise de 8 pieds, ensuite un lit de sable de 10 pieds, après cela un lit de terre grasse d’environ 6 à 7 pieds, ensuite un autre lit de terre grasse pierreuse de 4 à 5 pieds, ensuite un lit de sable noir de 3 pieds ; enfin l’arbre était dans la terre grasse. La rivière de Braine est au levant de cet endroit et n’en est éloignée que d’une portée de fusil : elle coule dans une prairie de 80 pieds plus basse que l’emplacement de la cure[2].

M. de Grignon m’a informé que, sur les bords de la Marne, près Saint-Dizier, l’on trouve un lit de bois pyriteux, dont on reconnaît l’organisation : ce lit de bois est situé sous un banc de grès qui est recouvert d’une couche de pyrites en gâteaux, surmontée d’un banc de pierre calcaire, et le lit de bois pyriteux porte sur une glaise noirâtre.

Il a aussi trouvé, dans les fouilles qu’il a faites pour la découverte de la ville souterraine de Châtelet, des instruments de fer qui avaient eu des manches de bois, et il a observé que ce bois était devenu une véritable mine de fer du genre des hématites : l’organisation du bois n’était pas détruite, mais il était cassant et d’un tissu aussi serré que celui de l’hématite dans toute son épaisseur. Ces instruments de fer à manche de bois avaient été enfouis dans la terre pendant seize ou dix-sept cents ans, et la conversion du bois en hématite s’est faite par la décomposition du fer, qui peu à peu a rempli tous les pores du bois.


IV. — Sur les ossements que l’on trouve quelquefois dans l’intérieur de la terre.

« Dans la paroisse de Haux, pays d’entre deux mers, à demi-lieue du port de Langoiran, une pointe de rocher haute de 11 pieds se détacha d’un coteau, qui avait auparavant 30 pieds de hauteur ; et par sa chute elle répandit dans le vallon une grande quantité d’ossements ou de fragments d’ossements d’animaux, quelques-uns pétrifiés. Il est indubitable qu’ils en sont, mais il est très difficile de déterminer à quels animaux ils appartiennent : le plus grand nombre sont des dents, quelques-unes peut-être de

  1. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1759, p. 431 jusqu’à 452.
  2. Lettre de Mme la comtesse de Clermont-Montoison à M. de Buffon.