Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les moyennes et petites racines n’ont pas été bien pétrifiées, ou du moins leur pétrification était si friable qu’elles sont restées dans le sable où était la souche, en une espèce de poussière ou de cendre. Il y a lieu de croire que, lorsque la pétrification s’est communiquée à ces racines, elles étaient presque pourries, et que les parties ligneuses qui les composaient, étant trop désunies par la pourriture, n’ont pu acquérir la solidité requise pour une vraie pétrification…

La souche porte, dans son plus gros, près de 6 pieds de circonférence ; à l’égard de sa hauteur, elle porte, dans sa partie la plus élevée, 2 pieds 8 à 10 pouces ; son poids est au moins de cinq à six cents livres. La souche, ainsi que les racines, ont conservé toutes les apparences du bois, comme écorce, aubier, bois dur, pourriture, trous de petits et gros vers, excréments de ces mêmes vers : toutes ces différentes parties pétrifiées, mais d’une pétrification moins dure et moins solide que le corps ligneux, qui était bien sain lorsqu’il a été saisi par les parties pétrifiantes. Ce corps ligneux est changé en un vrai caillou de différentes couleurs, rendant beaucoup de feu étant frappé avec le fer trempé, et sentant, après qu’il a été frappé ou frotté, une très forte odeur de soufre…

Ce tronc d’arbre pétrifié était couché presque horizontalement. Il était couvert de plus de quatre pieds de terre, et la grande racine était en dessus et n’était enfoncée que de deux pieds dans la terre[1].

M. l’abbé Mazéas, qui a découvert à un demi-mille de Rome, au delà de la porte du Peuple, une carrière de bois pétrifié, s’exprime dans les termes suivants :

« Cette carrière de bois pétrifié, dit-il, forme une suite de collines en face de Monte-Mario, située de l’autre côté du Tibre… : parmi ces morceaux de bois entassés les uns sur les autres d’une manière irrégulière, les uns sont simplement sous la forme d’une terre durcie, et ce sont ceux qui se trouvent dans un terrain léger, sec, et qui ne paraît nullement propre à la pourriture des végétaux ; les autres sont pétrifiés et ont la couleur, le brillant et la dureté de l’espèce de résine cuite, connue dans nos boutiques sous le nom de colophane ; ces bois pétrifiés se trouvent dans un terrain de même espèce que le précédent, mais plus humide ; les uns et les autres sont parfaitement bien conservés : tous se réduisent par la calcination en une véritable terre, aucun ne donnant de l’alun, soit en les traitant au feu, soit en les combinant avec l’acide vitriolique[2]. »

M. Dumonchau, docteur en médecine et très habile physicien à Douai, a bien voulu m’envoyer, pour le Cabinet du Roi, un morceau d’un arbre pétrifié, avec le détail historique suivant :

« La pièce de bois pétrifié que j’ai l’honneur de vous envoyer a été cassée à un tronc d’arbre trouvé à plus de 150 pieds de profondeur en terre… En creusant, l’année dernière (1754), un puits pour sonder du charbon, à Notre-Dame-au-bois, village situé entre Condé, Saint-Amand, Mortagne et Valenciennes, on a trouvé à environ 600 toises de l’Escaut, après avoir passé trois niveaux d’eau, d’abord 7 pieds de rochers ou de pierre dure que les charbonniers nomment en leur langage tourtia ; ensuite, étant parvenu à une terre marécageuse, on a rencontré, comme je viens de le dire, à 150 pieds de profondeur, un tronc d’arbre de deux pieds de diamètre, qui traversait le puits que l’on creusait, ce qui fit qu’on ne put pas en mesurer la longueur ; il était appuyé sur un gros grès, et bien des curieux voulant avoir de ce bois on en détacha plusieurs morceaux du tronc. La petite pièce que j’ai l’honneur de vous envoyer fut coupée d’un morceau qu’on donna à M. Laurent, savant mécanicien…

  1. Mémoires des Savants étrangers, t. II, p. 598 jusqu’à 604.
  2. Mémoires des Savants étrangers, t. V, p. 388.