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toujours la même marne, mais moins mêlée de bois, et on en a trouvé jusqu’à la profondeur de 210 pieds, où l’on a cessé le travail »[1].

« On trouve, dit M. Justi, des morceaux de bois pétrifiés d’une prodigieuse grandeur, dans le pays de Cobourg, qui appartient à une branche de la maison de Saxe ; et dans les montagnes de Misnie, on a tiré de la terre des arbres entiers, qui étaient entièrement changés en une très belle agate. Le Cabinet impérial de Vienne renferme un grand nombre de pétrifications en ce genre. Un morceau destiné pour ce même Cabinet était d’une circonférence qui égalait celle d’un gros billot de boucherie : la partie qui avait été bois était changée en une très belle agate d’un gris noir ; et, au lieu de l’écorce, on voyait régner tout autour du tronc une bande d’une très belle agate blanche…

» L’empereur aujourd’hui régnant… a souhaité qu’on découvrît quelque moyen pour fixer l’âge des pétrifications… Il donna ordre à son ambassadeur à Constantinople de demander la permission de faire retirer du Danube un des piliers du pont de Trajan, qui est à quelques milles au-dessous de Belgrade : cette permission ayant été accordée, on retira un de ces piliers, que l’on présumait devoir être pétrifié par les eaux du Danube ; mais on reconnut que la pétrification était très peu avancée pour un espace de temps si considérable. Quoiqu’il se fût passé plus de seize siècles depuis que le pilier en question était dans le Danube, elle n’y avait pénétré tout au plus qu’à l’épaisseur de trois quarts de pouce, et même à quelque chose de moins : le reste du bois, peu différent de l’ordinaire, ne commençait qu’à se calciner.

« Si de ce fait seul on pouvait tirer une juste conséquence pour toutes les autres pétrifications, on en conclurait que la nature a eu besoin peut-être de cinquante mille ans pour changer en pierre des arbres de la grosseur de ceux qu’on a trouvés pétrifiés en différents endroits ; mais il peut fort bien arriver qu’en d’autres lieux le concours de plusieurs causes opère la pétrification plus promptement.

» On a vu à Vienne une bûche pétrifiée, qui était venue des montagnes Carpathes en Hongrie, sur laquelle paraissaient distinctement les hachures qui y avaient été faites avant sa pétrification ; et ces mêmes hachures étaient si peu altérées par le changement arrivé au bois, qu’on y remarquait qu’elles avaient été faites avec un tranchant qui avait une petite brèche…

» Au reste, il paraît que le bois pétrifié est beaucoup moins rare dans la nature qu’on ne le pense communément, et qu’en bien des endroits, il ne manque, pour le découvrir, que l’œil d’un naturaliste curieux. J’ai vu auprès de Mansfeld une grande quantité de bois de chêne pétrifié, dans un endroit où beaucoup de gens passent tous les jours, sans apercevoir ce phénomène. Il y avait des bûches entièrement pétrifiées, dans lesquelles on reconnaissait très distinctement les anneaux formés par la croissance annuelle du bois, l’écorce, l’endroit de la coupe, et toutes les marques du bois de chêne[2]. »

M. Clozier, qui a trouvé différentes pièces de bois pétrifié, sur les collines aux environs d’Étampes, et particulièrement sur celle de Saint-Symphorien, a jugé que ces différents morceaux de bois pouvaient provenir de quelques souches pétrifiées qui étaient dans ces montagnes : en conséquence, il a fait faire des fouilles sur la montagne de Saint-Symphorien, dans un endroit qu’on lui avait indiqué ; et, après avoir creusé la terre de plusieurs pieds, il vit d’abord une racine de bois pétrifiée, qui le conduisit à la souche d’un arbre de même nature.

Cette racine, depuis son commencement jusqu’au tronc où elle était attachée, avait au moins, dit-il, cinq pieds de longueur : il y en avait cinq autres qui y tenaient aussi, mais moins longues…

  1. Lettre de M. Bresse du Verny. La Fère, 14 novembre 1753.
  2. Journal étranger, mois d’octobre 1756, p. 160 et suiv.