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profonds ; les tourbes qu’ils fournissent sont d’un brun noir, lardées de roseaux, de joncs, de cypéroïdes et autres plantes qui viennent dans les près ; on ne voit point de coquilles dans ces bancs…

» On a quelquefois rencontré dans la masse des tourbes des souches de saules et de peupliers, et quelques racines de ces arbres ou de quelques autres semblables ; on a découvert du côté d’Escharcon un chêne enseveli à neuf pieds de profondeur ; il était noir et presque pourri ; il s’est consommé à l’air ; un autre a été rencontré du côté de Roissy à la profondeur de deux pieds entre la terre et la tourbe. On a encore vu, près d’Escharcon, des bois de cerfs ; ils étaient enfouis jusqu’à trois ou quatre pieds…

» Il y a aussi des tourbes dans les environs d’Étampes, et peut-être aussi abondamment qu’auprès de Villeroy ; ces tourbes ne sont point mousseuses, ou le sont très peu ; leur couleur est d’un beau noir, elles ont de la pesanteur, elles brûlent bien au feu ordinaire, et il n’y a guère lieu de douter qu’on n’en pût faire de très bon charbon…

» Les tourbières des environs d’Étampes ne sont, pour ainsi dire, qu’une continuité de celles de Villeroy ; en un mot, toutes les prairies qui sont renfermées entre les gorges où la rivière d’Étampes coule sont probablement remplies de tourbe. On en doit, à ce que je crois, dire autant de celles qui sont arrosées par la rivière d’Essonne ; celles de ces prairies que j’ai parcourues m’ont fait voir les mêmes plantes que celles d’Étampes et de Villeroy »[1].

Au reste, selon l’auteur, il y a en France encore nombre d’endroits où l’on pourrait tirer de la tourbe comme à Bourneuille, à Croué, auprès de Beauvais, à Bruneval, aux environs de Péronne, dans le diocèse de Troyes en Champagne, etc. ; et cette matière combustible serait d’un grand secours, si l’on en faisait usage dans les endroits qui manquent de bois.

Il y a aussi des tourbes près de Vitry-le-François, dans des marais le long de la Marne ; ces tourbes sont bonnes et contiennent une grande quantité de cupules de gland : le marais de Saint-Gon, aux environs de Châlons, n’est aussi qu’une tourbière considérable que l’on sera obligé d’exploiter dans la suite, par la disette des bois[2].


III. — Sur les bois souterrains pétrifiés et charbonnifiés.

« Dans les terres du duc de Saxe-Cobourg, qui sont sur les frontières de la Franconie et de la Saxe, à quelques lieues de la ville de Cobourg même, on a trouvé à une petite profondeur des arbres entiers pétrifiés à un tel point de perfection, qu’en les travaillant on trouve que cela fait une pierre aussi belle et aussi dure que l’agate. Les princes de Saxe en ont donné quelques morceaux à M. Schœpflin, qui en a envoyé deux à M. de Buffon pour le Cabinet du Roi : on a fait de ces bois pétrifiés des vases et autres beaux ouvrages »[3].

On trouve aussi du bois qui n’a point changé de nature, à d’assez grandes profondeurs dans la terre. M. du Verny, officier d’artillerie, m’en a envoyé des échantillons, avec le détail suivant : « La ville de La Fère, où je suis actuellement en garnison, fait travailler, depuis le 15 du mois d’août de cette année 1753, à chercher de l’eau par le moyen de la tarière : lorsqu’on fut parvenu à 39 pieds au-dessous du sol, on trouva un lit de marne, que l’on a continué de percer jusqu’à 121 pieds ; ainsi, à 160 pieds de profondeur, on a trouvé, deux fois consécutives, la tarière remplie d’une marne mêlée d’une très grande quantité de fragments de bois, que tout le monde a reconnus pour être du chêne. Je vous en envoie deux échantillons : les jours suivants, on a trouvé

  1. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1761, p. 380 jusqu’à 397.
  2. Note communiquée à M. de Buffon par M. Grignon, le 6 août 1777.
  3. Lettre de M. Schœpflin, Strasbourg, 24 septembre 1746.