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est fort chaude ; et d’environ vingt soupiraux, comme d’autant de cheminées, s’exhale une fumée ou vapeur épaisse dont l’odeur est très sulfureuse : il semble que tout le sol soit mêlé ou poudré de soufre, ce qui lui donne une surface brillante et colorée…

» On aperçoit une couleur verdâtre, mêlée d’un jaune brillant comme de l’or, presque sur toutes les pierres qu’on trouve aux environs : une autre partie peu étendue de ce pain de sucre est blanche comme la chaux ; et une autre plus basse ressemble à de l’argile rouge qui serait couverte de sel.

» Au milieu d’un autre rocher, nous découvrîmes un trou qui n’avait pas plus de 2 pouces de diamètre, d’où procédait un bruit pareil à celui d’un volume considérable d’eau qui bouillirait sur un grand feu[1]. »

Les Açores, les Canaries, les îles du cap Vert, l’île de l’Ascension, les Antilles, qui paraissent être les restes des anciens continents qui réunissaient nos contrées à l’Amérique, ne nous offrent presque toutes que des pays brûlés ou qui brûlent encore. Les volcans, anciennement submergés avec les contrées qui les portaient, excitent sous les eaux des tempêtes si terribles que, dans une de ces tourmentes, arrivée aux Açores, le suif des sondes se fondait par la chaleur du fond de la mer.


III. — Des volcans éteints.

Le nombre des volcans éteints est sans comparaison beaucoup plus grand que celui des volcans actuellement agissants. On peut même assurer qu’il s’en trouve en très grande quantité dans presque toutes les parties de la terre. Je pourrais citer ceux que M. de La Condamine a remarqués dans les Cordillères, ceux que M. Fresnaye a observés à Saint-Domingue[2], dans le voisinage du Port-au-Prince, ceux du Japon et des autres îles orientales et méridionales de l’Asie, dont presque toutes les contrées habitées ont autrefois été ravagées par le feu ; mais je me bornerai à donner pour exemple ceux de l’île de France et de l’île de Bourbon, que quelques voyageurs instruits ont reconnus d’une manière évidente.

« Le terrain de l’île de France est recouvert, dit M. l’abbé de La Caille, d’une quantité prodigieuse de pierres de toutes sortes de grosseur, dont la couleur est cendré noir ; une grande partie est criblée de trous ; elles contiennent la plupart beaucoup de fer, et la surface de la terre est couverte de mines de ce métal : on y trouve aussi beaucoup de pierres ponces, surtout sur la côte nord de l’île, des laves ou espèces de laitier de fer, des grottes profondes et d’autres vestiges manifestes de volcans éteints…

» L’île de Bourbon, continue M. l’abbé de La Caille, quoique plus grande que l’île de France, n’est cependant qu’une grosse montagne qui est comme fendue dans toute sa hauteur en trois endroits différents. Son sommet est couvert de bois et inhabité, et sa pente, qui s’étend jusqu’à la mer, est défrichée et cultivée dans les deux tiers de son contour : le reste est recouvert de laves d’un volcan qui brûle lentement et sans bruit ; il ne paraît même un peu ardent que dans la saison des pluies…

» L’île de l’Ascension est visiblement formée et brûlée par un volcan : elle est couverte d’une terre rouge, semblable à de la brique pilée ou à de la glaise brûlée… L’île est composée de plusieurs montagnes d’élévation moyenne, comme de 100 à 150 toises : il y en a une plus grosse qui est au sud-est de l’île, haute d’environ 400 toises… ; son sommet est double et allongé, mais toutes les autres sont terminées en cône assez parfait et couvertes de terre rouge ; la terre et une partie des montagnes sont jonchées

  1. Observation faite au pic de Ténériffe, par le docteur Heberden. Journal étranger, mois de novembre 1754, p. 136 jusqu’à 142.
  2. Note envoyée à M. de Buffon par M. Fresnaye, 10 mars 1777.