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ou blanc ; mais, dans les vallées que les montagnes forment entre elles, on trouve des plaines agréables[1].

La plupart des jokuts, qui sont des montagnes de médiocre hauteur, quoique couvertes de glaces, et qui sont dominées par d’autres montagnes plus élevées, sont des volcans qui de temps à autre jettent des flammes et causent des tremblements de terre ; on en compte une vingtaine dans toute l’île. Les habitants des environs de ces montagnes ont appris par leurs observations que, lorsque les glaces et la neige s’élèvent à une hauteur considérable, et qu’elles ont bouché les cavités par lesquelles il est anciennement sorti des flammes, on doit s’attendre à des tremblements de terre, qui sont suivis immanquablement d’éruptions de feu. C’est par cette raison qu’à présent les Islandais craignent que les jokuts, qui jetèrent des flammes en 1728 dans le canton de Skaftfield, ne s’enflamment bientôt, la glace et la neige s’étant accumulées sur leur sommet, et paraissant fermer les soupiraux qui favorisent les exhalaisons de ces feux souterrains.

En 1721, le jokut appelé Koëtlegan, à 5 ou 6 lieues à l’ouest de la mer, auprès de la baie de Portland, s’enflamma après plusieurs secousses de tremblement de terre. Cet incendie fondit des morceaux de glace d’une grosseur énorme, d’où se formèrent des torrents impétueux qui portèrent fort loin l’inondation avec la terreur, et entraînèrent jusqu’à la mer des quantités prodigieuses de terre, de sable et de pierres. Les masses solides de glace, et l’immense quantité de terre, de pierres et de sable qu’emporta cette inondation, comblèrent tellement la mer qu’à un demi-mille des côtes il s’en forma une petite montagne qui paraissait encore au-dessus de l’eau en 1750. On peut juger combien cette inondation amena de matières à la mer, puisqu’elle la fit remonter ou plutôt reculer à 12 milles au delà de ses anciennes côtes.

La durée entière de cette inondation fut de trois jours, et ce ne fut qu’après ce temps qu’on put passer au pied des montagnes comme auparavant…

L’Hécla, que l’on a toujours regardé comme un des plus fameux volcans de l’univers à cause de ses éruptions terribles, est aujourd’hui un des moins dangereux de l’Islande. Les monts de Koëtlegan, dont on vient de parler, et le mont Krafle, ont fait récemment autant de ravages que l’Hécla en faisait autrefois. On remarque que ce dernier volcan n’a jeté des flammes que dix fois dans l’espace de huit cents ans, savoir, dans les années 1104, 1157, 1222, 1300, 1341, 1362, 1389, 1558, 1636, et pour la dernière fois en 1693. Cette éruption commença le 13 février et continua jusqu’au mois d’août suivant. Tous les autres incendies n’ont de même duré que quelques mois. Il faut donc observer que l’Hécla ayant fait les plus grands ravages au xive siècle, à quatre reprises différentes, a été tout à fait tranquille pendant le xve, et a cessé de jeter du feu pendant cent soixante ans. Depuis cette époque, il n’a fait qu’une seule éruption au xvie siècle et deux au xviie. Actuellement on n’aperçoit sur ce volcan ni feu ni fumée, ni exhalaisons. On y trouve seulement dans quelques petits creux, ainsi que dans beaucoup d’autres endroits de l’île, de l’eau bouillante, des pierres, du sable et des cendres.

En 1726, après quelques secousses de tremblement de terre, qui ne furent sensibles que dans les cantons du nord, le mont Krafle commença à vomir, avec un fracas épouvantable, de la fumée, du feu, des cendres et des pierres : cette éruption continua pendant deux ou trois ans sans faire aucun dommage, parce que tout retombait sur ce volcan ou autour de sa base.

En 1728, le feu s’étant communiqué à quelques montagnes situées près du Krafle, elles brûlèrent pendant plusieurs semaines ; lorsque les matières minérales qu’elles renfermaient furent fondues, il s’en forma un ruisseau de feu qui coula fort doucement vers le sud, dans les terrains qui sont au-dessous de ces montagnes : ce ruisseau brûlant s’alla

  1. Introduction à l’Histoire du Danemarck.