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Le volcan Pacayita, nommé volcan de l’eau par les Espagnols, jette des torrents d’eau dans toutes ses éruptions ; la dernière détruisit, en 1773, la ville de Guatimala, et les torrents d’eau et de laves descendirent jusqu’à la mer du Sud.

On a observé sur le Vésuve qu’il vient de la mer un vent qui pénètre dans la montagne ; le bruit qui se fait entendre dans certaines cavités, comme s’il passait quelque torrent par-dessous, cesse aussitôt que les vents de terre soufflent ; et on s’aperçoit en même temps que les exhalaisons de la bouche du Vésuve deviennent beaucoup moins considérables, au lieu que lorsque le vent vient de la mer ce bruit semblable à un torrent recommence, ainsi que les exhalaisons de flammes et de fumée, les eaux de la mer s’insinuant aussi dans la montagne, tantôt en grande, tantôt en petite quantité ; et il est arrivé plusieurs fois à ce volcan de rendre en même temps de la cendre et de l’eau[1].

Un savant, qui a comparé l’état moderne du Vésuve avec son état actuel, rapporte que, pendant l’intervalle qui précéda l’éruption de 1631, l’espèce d’entonnoir que forme l’intérieur du Vésuve s’était revêtu d’arbres et de verdure ; que la petite plaine qui le terminait était abondante en excellents pâturages ; qu’en partant du bord supérieur du gouffre, on avait un mille à descendre pour arriver à cette plaine, et qu’elle avait vers son milieu un autre gouffre dans lequel on descendait, également pendant un mille, par des chemins étroits et tortueux qui conduisaient dans un espace plus vaste, entouré de cavernes, d’où il sortait des vents si impétueux et si froids qu’il était impossible d’y résister. Suivant le même observateur, la sommité du Vésuve avait alors 5 milles de circonférence. Après cela, on ne doit point être étonné que quelques physiciens aient avancé que ce qui semble former aujourd’hui deux montagnes n’en était qu’une autrefois ; que le volcan était au centre, mais que le côté méridional, s’étant éboulé par l’effet de quelque éruption, il avait formé ce vallon qui sépare le Vésuve du mont Somma[2].

M. Steller observe que les volcans de l’Asie septentrionale sont presque toujours isolés, qu’ils ont à peu près la même croûte ou surface, et qu’on trouve toujours des lacs sur le sommet et des eaux chaudes au pied des montagnes où les volcans se sont éteints : « C’est, dit-il, une nouvelle preuve de la correspondance que la nature a mise entre la mer, les montagnes, les volcans et les eaux chaudes ; on trouve nombre de sources de ces eaux chaudes dans différents endroits du Kamtschatka[3]. » L’île de Sjanw, a 40 lieues de Ternate, a un volcan dont on voit souvent sortir de l’eau, des cendres, etc.[4]. Mais il est inutile d’accumuler ici des faits en plus grand nombre pour prouver la communication des volcans avec la mer ; la violence de leurs éruptions serait seule suffisante pour le faire présumer, et le fait général de la situation près de la mer de tous les volcans actuellement agissants achève de le démontrer. Cependant, comme quelques physiciens ont nié la réalité et même la possibilité de cette communication des volcans à la mer, je ne dois pas laisser échapper un fait que nous devons à feu M. de La Condamine, homme aussi véridique qu’éclairé. Il dit « qu’étant monté au sommet du Vésuve le 4 juin 1753, et même sur les bords de l’entonnoir qui s’est formé autour de la bouche du volcan depuis sa dernière explosion, il aperçut dans le gouffre, à environ 40 toises de profondeur, une grande cavité en voûte vers le nord de la montagne ; il fit jeter de grosses pierres dans cette cavité, et il compta à sa montre 12 secondes avant qu’on cessât de les entendre rouler : à la fin de leur chute, on crut entendre un bruit sem-

  1. Description historique et philosophique du Vésuve, par M. l’abbé Mecati. Journal étranger, mois d’octobre 1754.
  2. Observations sur le Vésuve, par M. d’Arthenay. Savants étrangers, t. IV, p. 147 et suiv.
  3. Histoire générale des Voyages, t. XIX, p. 238.
  4. Histoire générale des Voyages, t. XVII, p. 54.