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de terre, par les éruptions, par les torrents de laves, et enfin par la formation de la plupart des collines et des gouffres produits par tous ces mouvements. Au reste, j’ai tiré les faits que je viens de rapporter de l’excellent ouvrage de M. Brydone, et j’estime assez l’auteur pour croire qu’il ne trouvera pas mauvais que je ne sois pas de son avis sur la puissance de l’aspiration des volcans et sur quelques autres conséquences qu’il a cru devoir tirer des faits ; personne, avant M. Brydone, ne les avait si bien observés et si clairement présentés, et tous les savants doivent se réunir pour donner à son ouvrage les éloges qu’il mérite.

Les torrents de verre en fusion, auxquels on a donné le nom de laves, ne sont pas, comme on pourrait le croire, le premier produit de l’éruption d’un volcan : ces éruptions s’annoncent ordinairement par un tremblement de terre plus ou moins violent, premier effet de l’effort du feu qui cherche à sortir et à s’échapper au dehors ; bientôt il s’échappe en effet et s’ouvre une route dont il élargit l’issue en projetant au dehors les rochers et toutes les terres qui s’opposaient à son passage ; ces matériaux, lancés à une grande distance, retombent les uns sur les autres et forment une éminence plus ou moins considérable, à proportion de la durée et de la violence de l’éruption. Comme toutes les terres rejetées sont pénétrées de feu, et la plupart converties en cendres ardentes, l’éminence qui en est composée est une montagne de feu solide dans laquelle s’achève la vitrification d’une grande partie de la matière par le fondant des cendres ; dès lors cette matière fondue fait effort pour s’écouler, et la lave éclate et jaillit ordinairement au pied de la nouvelle montagne qui vient de la produire ; mais dans les petits volcans, qui n’ont pas assez de force pour lancer au loin les matières qu’ils rejettent, la lave sort du haut de la montagne. On voit cet effet dans les éruptions du Vésuve ; la lave semble s’élever jusque dans le cratère ; le volcan vomit auparavant des pierres et des cendres qui, retombant à plomb sur l’ancien cratère, ne font que l’augmenter ; et c’est à travers cette matière additionnelle nouvellement tombée que la lave s’ouvre une issue : ces deux effets, quoique différents en apparence, sont néanmoins les mêmes ; car dans un petit volcan qui, comme le Vésuve, n’a pas assez de puissance pour enfanter de nouvelles montagnes en projetant au loin les matières qu’il rejette, toutes retombent sur le sommet elles en augmentent la hauteur, et c’est au pied de cette nouvelle couronne de matière que la lave s’ouvre un passage pour s’écouler. Ce dernier effort est ordinairement suivi du calme du volcan ; les secousses de la terre au dedans, les projections au dehors cessent dès que la lave coule ; mais les torrents de ce verre en fusion produisent des effets encore plus étendus, plus désastreux que ceux du mouvement de la montagne dans son éruption ; ces fleuves de feu ravagent, détruisent et même dénaturent la surface de la terre ; il est comme impossible de leur opposer une digue ; les malheureux habitants de Catane en ont fait la triste expérience. Comme leur ville avait souvent été détruite en totalité ou en partie par les torrents de lave, ils ont construit de très fortes murailles de 55 pieds de hauteur : environnés de ces remparts ils se croyaient en sûreté ; les murailles résistèrent en effet au feu et au poids du torrent, mais cette résistance ne servit qu’à le gonfler, il s’éleva jusqu’au-dessus de ces remparts, retomba sur la ville et détruisit tout ce qui se trouva sur son passage.

Ces torrents de lave ont souvent une demi-lieue et quelquefois jusqu’à deux lieues de largeur : « La dernière lave que nous avons traversée, dit M. Brydone, avant d’arriver à Catane, est d’une si vaste étendue que je croyais qu’elle ne finirait jamais ; elle n’a certainement pas moins de six ou sept mille de large, et elle paraît être en plusieurs endroits d’une profondeur énorme ; elle a chassé en arrière les eaux de la mer à plus d’un mille et a formé un large promontoire élevé et noir, devant lequel il y a beaucoup d’eau ; cette lave est stérile et n’est couverte que de très peu de terreau : cependant elle est ancienne, car, au rapport de Diodore de Sicile, cette même lave a été vomie par l’Etna