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montagnes par l’affaissement des cavernes, quelques faits assez récents et qui sont bien constatés. En Norvège, un promontoire appelé Hammers-Fields, tomba tout à coup en entier[1]. Une montagne fort élevée et presque adjacente à celle de Chimboraço, l’une des plus hautes des Cordillères dans la province de Quito, s’écroula tout à coup. Le fait avec ses circonstances est rapporté dans les mémoires de MM. de la Condamine et Bouguer. Il arrive souvent de pareils éboulements et de grands affaissements dans les îles des Indes méridionales. À Gamma-Canore, où les Hollandais ont un établissement, une haute montagne s’écroula tout à coup en 1673 par un temps calme et fort beau, ce qui fut suivi d’un tremblement de terre qui renversa les villages d’alentour où plusieurs milliers de personnes périrent[2]. Le 11 août 1772, dans l’île de Java, province de Chéribou, l’une des plus riches possessions des Hollandais, une montagne d’environ trois lieues de circonférence s’abîma tout à coup, s’enfonçant et se relevant alternativement comme les flots de la mer agitée ; en même temps elle laissait échapper une quantité prodigieuse de globes de feu qu’on apercevait de très loin, et qui jetaient une lumière aussi vive que celle du jour. Toutes les plantations et trente-neuf négreries ont été englouties avec deux mille cent quarante habitants, sans compter les étrangers[3]. Nous pourrions recueillir plusieurs autres exemples de l’affaissement des terres et de l’écroulement des montagnes par la rupture des cavernes, par les secousses des tremblements de terre et par l’action des volcans ; mais nous en avons dit assez pour qu’on ne puisse contester les inductions et les conséquences générales que nous avons tirées de ces faits particuliers.


II. — Des volcans.

Les anciens nous ont laissé quelques notices des volcans qui leur étaient connus, et particulièrement de l’Etna et du Vésuve. Plusieurs observateurs savants et curieux ont de nos jours examiné de plus près la forme et les effets de ces volcans ; mais la première chose qui frappe en comparant ces descriptions, c’est qu’on doit renoncer à transmettre à la postérité la topographie exacte et constante de ces montagnes ardentes ; leur forme s’altère et change, pour ainsi dire, chaque jour ; leur surface s’élève ou s’abaisse en différents endroits ; chaque éruption produit de nouveaux gouffres ou des éminences nouvelles : s’attacher à décrire tous ces changements, c’est vouloir suivre et représenter les ruines d’un bâtiment incendié ; le Vésuve de Pline et l’Etna d’Empédocle présentaient une face et des aspect différents de ceux qui nous sont aujourd’hui si bien représentés par MM. Hamilton et Brydone ; et, dans quelques siècles, ces descriptions récentes ne ressembleront plus à leur objet. Après la surface des mers, rien sur le globe n’est plus mobile et plus inconstant que la surface des volcans ; mais de cette inconstance même et de cette variation de mouvements et de formes, on peut tirer quelques conséquences générales en réunissant les observations particulières.

Exemple des changements arrivés dans les volcans.

La base de l’Etna peut avoir-soixante lieues de circonférence, et sa hauteur perpendiculaire est d’environ deux mille toises au-dessus du niveau de la mer Méditerranée. On peut donc regarder cette énorme montagne comme un cône obtus, dont la superficie n’a guère moins de trois cents lieues carrées : cette superficie conique est partagée en quatre zones placées concentriquement les unes au-dessus des autres. La première et la

  1. Histoire naturelle de Norvège, par Pontoppidan. Journal étranger, mois d’août 1755.
  2. Histoire générale des Voyages, t. XVII, p. 54.
  3. Voyez la Gazette de France, 21 mai 1773, article de la Haye.