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fait la dissolution de toutes les matières salines qui se sont trouvées à la surface de la terre dès le commencement, et que par conséquent le premier degré de salure de la mer provient de la cause indiquée par Leibniz ; mais cela n’empêche pas que la seconde cause, désignée par Halley, n’ait aussi très considérablement influé sur le degré de la salure actuelle de la mer, qui ne peut manquer d’aller toujours en augmentant, parce qu’en effet les fleuves ne cessent de transporter à la mer une grande quantité de sels fixes, que l’évaporation ne peut enlever : ils restent donc mêlés avec la masse des eaux qui, dans la mer, se trouvent généralement d’autant plus salées, qu’elles sont plus éloignées de l’embouchure des fleuves, et que la chaleur du climat y produit une plus grande évaporation. La preuve que cette seconde cause y fait peut-être autant et plus que la première, c’est que tous les lacs dont il sort des fleuves ne sont point salés, tandis que presque tous ceux qui reçoivent des fleuves, sans qu’ils en sortent, sont imprégnés de sel. La mer Caspienne, le lac Aral, la mer Morte, etc., ne doivent leur salure qu’aux sels que les fleuves y transportent, et que l’évaporation ne peut enlever.


III. — Sur les cataractes perpendiculaires.

J’ai dit que la cataracte de la rivière de Niagara au Canada était la plus fameuse, et qu’elle tombait de 156 pieds de hauteur perpendiculaire. J’ai depuis été informé[1] qu’il se trouve en Europe une cataracte qui tombe de 300 pieds de hauteur : c’est celle de Terni, petite ville sur la route de Rome à Bologne. Elle est formée par la rivière de Vélino, qui prend sa source dans les montagnes de l’Abruzze. Après avoir passé par Riette, ville frontière du royaume de Naples, elle se jette dans le lac de Luco, qui parait entretenu par des sources abondantes, car elle en sort plus forte qu’elle n’y est entrée, et va jusqu’au pied de la montagne del-Marmore, d’où elle se précipite par un saut perpendiculaire de 300 pieds ; elle tombe comme dans un abîme, d’où elle s’échappe avec une espèce de fureur. La rapidité de sa chute brise ses eaux avec tant d’effort contre les rochers et sur le fond de cet abîme qu’il s’en élève une vapeur humide, sur laquelle les rayons du soleil forment des arcs-en-ciel qui sont très variés ; et lorsque le vent du midi souffle et rassemble ce brouillard contre la montagne, au lieu de plusieurs petits arcs-en-ciel, on n’en voit plus qu’un seul qui couronne toute la cascade.





ADDITIONS

À L’ARTICLE QUI A POUR TITRE : DES MERS ET DES LACS.



I. — Sur les limites de la mer du Sud.

La mer du Sud, qui, comme l’on sait, a beaucoup plus d’étendue en largeur que la mer Atlantique, paraît être bornée par deux chaînes de montagnes qui se correspondent jusqu’au delà de l’équateur. La première de ces chaînes est celle des montagnes de Californie, du Nouveau Mexique, de l’isthme de Panama et des Cordillères du Pérou, du Chili, etc. ; l’autre est la chaîne de montagnes qui s’étend depuis le Kamtschatka, et passe par Yeço, par le Japon, et s’étend jusqu’aux îles des Larrons et même aux Nouvelles-Philippines. La direction de ces chaînes de montagnes, qui paraissent être les anciennes limites de la mer

  1. Note communiquée à M. de Buffon par M. Fresnaye, conseiller au conseil supérieur de Saint-Domingue.