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tous les angles se correspondent : c’est à ces deux causes, dont l’une est bien plus ancienne que l’autre, qu’il faut rapporter la forme extérieure que nous présente la surface de la terre. Ensuite, lorsque les mers se sont abaissées, elles ont produit des escarpements du côté de l’occident où elles s’écoulaient le plus rapidement et ont laissé des pentes douces du côté de l’orient.

Les éminences qui ont été formées par le sédiment et les dépôts de la mer ont une structure bien différente de celles qui doivent leur origine au feu primitif : les premières sont toutes disposées par couches horizontales et contiennent une infinité de productions marines ; les autres, au contraire, ont une structure moins régulière et ne renferment aucun indice de productions de la mer ; ces montagnes de première et de seconde formation n’ont rien de commun que les fentes perpendiculaires qui se trouvent dans les unes comme dans les autres, mais ces fentes sont un effet commun de deux causes bien différentes. Les matières vitrescibles, en se refroidissant, ont diminué de volume et se sont par conséquent fendues de distance en distance ; celles qui sont composées de matières calcaires amenées par les eaux se sont fendues par le dessèchement.

J’ai observé plusieurs fois, sur les collines isolées, que le premier effet des pluies est de dépouiller peu à peu leur sommet et d’en entraîner les terres qui forment au pied de la colline une zone uniforme et très épaisse de bonne terre, tandis que le sommet est devenu chauve et dépouillé dans son contour : voilà l’effet que produisent et doivent produire les pluies, mais une preuve qu’il y a eu une autre cause qui avait précédemment disposé les matières autour de la colline, c’est que dans toutes, et même dans celles qui sont isolées, il y a toujours un côté où le terrain est meilleur ; elles sont escarpées d’une part et en pente douce de l’autre, ce qui prouve l’action et la direction du mouvement des eaux d’un côté plus que de l’autre.


IV. — Sur la dureté que certaines matières acquièrent par le feu aussi bien que par l’eau.

J’ai dit « qu’on trouve dans les grès des espèces de clous d’une matière métallique, noirâtre, qui paraît avoir été fondue à un feu très violent. » Cela semble indiquer que les grandes masses de grès doivent leur origine à l’action du feu primitif. J’avais d’abord pensé que cette matière ne devait sa dureté et la réunion de ses parties qu’à l’intermède de l’eau ; mais je me suis assuré depuis que l’action du feu produit le même effet, et je puis citer sur cela des expériences qui d’abord m’ont surpris et que j’ai répétées assez souvent pour n’en pouvoir douter.

Expériences.

J’ai fait broyer des grès de différents degrés de dureté, et je les ai fait tamiser en poudre plus ou moins fine pour m’en servir à couvrir les cémentations dont je me sers pour convertir le fer en acier : cette poudre de grès répandue sur le cément, et amoncelée en forme de dôme de trois ou quatre pouces d’épaisseur, sur une caisse de trois pieds de longueur et deux pieds de largeur, ayant subi l’action d’un feu violent dans mes fourneaux d’aspiration pendant plusieurs jours et nuits de suite sans interruption, n’étant plus de la poussière de grès, mais une masse solide que l’on était obligé de casser pour découvrir la caisse qui contenait le fer converti en acier boursouflé ; en sorte que l’action du feu sur cette poudre de grès en a fait des masses aussi solides que le grès de médiocre qualité qui ne sonne point sous le marteau. Cela m’a démontré que le feu peut tout aussi bien que l’eau avoir agglutiné les sables vitrescibles, et avoir par conséquent formé les grandes masses de grès qui composent le noyau de quelques-unes de nos montagnes.

Je suis donc très persuadé que toute la matière vitrescible dont est composée la roche