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est elle-même un roc vitreux de la même nature : ces grandes montagnes en font partie et ne sont que les prolongements ou éminences qui se sont formées à la surface du globe dans le temps de sa consolidation ; on doit donc les regarder comme des parties constitutives de la première masse de la terre, au lieu que les collines et les petites montagnes, qui portent sur des argiles ou des sables vitrescibles, ont été formées par un autre élément, c’est-à-dire par le mouvement et le sédiment des eaux dans un temps bien postérieur à celui de la formation des grandes montagnes produites par le feu primitif[1]. C’est dans ces pointes ou parties saillantes qui forment le noyau des montagnes que se trouvent les filons des métaux. Et ces montagnes ne sont pas les plus hautes de toutes, quoiqu’il y en ait de fort élevées qui contiennent des mines ; mais la plupart de celles où on les trouve sont d’une hauteur moyenne et toutes sont arrangées uniformément, c’est-à-dire par des élévations insensibles qui tiennent à une chaîne de montagnes considérable, et qui sont coupées de temps en temps par des vallées.


III. — Sur la vitrification des matières calcaires.

J’ai dit « que les matières calcaires sont les seules qu’aucun feu connu n’a pu jusqu’à présent vitrifier, et les seules qui semblent à cet égard faire une classe à part, toutes les autres matières du globe pouvant être réduites en verre. »

Je n’avais pas fait alors les expériences par lesquelles je me suis assuré depuis que les matières calcaires peuvent, comme toutes les autres, être réduites en verre ; il ne faut, en effet, pour cela qu’un feu plus violent que celui de nos fourneaux ordinaires. On réduit la pierre calcaire en verre au foyer d’un bon miroir ardent ; d’ailleurs M. Darcet, savant chimiste, a fondu du spath calcaire, sans addition d’aucune autre matière, aux fourneaux à faire de la porcelaine de M. le comte de Lauragais, mais ces opérations n’ont été faites que plusieurs années après la publication de ma Théorie de la Terre. On savait seulement que dans les hauts-fourneaux qui servent à fondre la mine de fer, le laitier spumeux, blanc et léger, semblable à de la pierre ponce, qui sort de ces fourneaux lorsqu’ils sont trop échauffés, n’est qu’une matière vitrée qui provient de la castine ou matière calcaire qu’on jette au fourneau pour aider à la fusion de la mine de fer : la seule différence qu’il y ait à l’égard de la vitrification entre les matières calcaires et les matières vitrescibles, c’est que celles-ci sont immédiatement vitrifiées par la violente action du feu au lieu que les matières calcaires passent par l’état de calcination et forment de la chaux avant de se vitrifier ; mais elles se vitrifient comme les autres, même au feu de nos fourneaux, dès qu’on les mêle avec des matières vitrescibles, surtout avec celles qui, comme l’aubue ou terre limoneuse, coulent le plus aisément au feu. On peut donc assurer, sans craindre de se tromper, que généralement toutes les matières du globe peuvent retourner à leur première origine en se réduisant ultérieurement en verre, pourvu qu’on leur administre le degré de feu nécessaire à leur vitrification.


  1. L’intérieur des différentes montagnes primitives, que j’ai pénétrées par les puits et galeries des mines, à des profondeurs considérables de douze et quinze cents pieds, est partout composé de roc vif vitreux, dans lequel il se trouve de légères anfractuosités irrégulières, d’où il sort de l’eau, des dissolutions vitrioliques et métalliques ; en sorte que l’on peut conclure que tout le noyau de ces montagnes est un roc vif, adhérant à la masse primitive du globe, quoique l’on voie sur leur flanc, du côté des vallées, des masses de terre argileuse, des bancs de pierres calcaires, à des hauteurs assez considérables ; mais ces masses d’argile et ces bancs calcaires sont des résidus du remblai des concavités de la terre, dans lesquelles les eaux ont creusé les vallées, et qui sont de la seconde époque de la nature. Note communiquée par M. de Grignon, à M. de Buffon, le 6 août 1777.