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port de Platon dans le Timée, qu’autrefois il y avait une grande île auprès des colonnes d’Hercule, plus grande que l’Asie et la Libye prises ensemble, qu’on appelait Atlantide, que cette grande île fut inondée et abîmée sous les eaux de la mer après un grand tremblement de terre. Traditur Atheniensis civitas restitisse olim innumeris hostium copiis quæe ex Atlantico mari profectæ, propè cunctam Europam Asiamque obsederunt ; tunc enim fretum illud navigabile, habens in ore et quasi vestibulo ejus insulam quas Herculis Columnas cognominant : ferturque insula illa Libyà simul et Asià major fuisse, per quam ad alias proximas insulas patebat aditus, atque ex insulis ad omnem continentem è conspectu jacentem vero mari vicinam ; sed intrà os ipsum portus angusto sinu traditur, pelagus illud verum mare, terra quoque illa verè erat continens, etc. Post hæc ingenti terræ motu jugique diei unius et noctis illuvione factum est, ut terra dehiscens omnes illos bellicosos absorbere, et Atlantis insula sub vasto gurgite mergeretur. (Plato in Timæo.) Cette ancienne tradition n’est pas absolument contre toute vraisemblance : les terres qui ont été absorbées par les eaux sont peut-être celles qui joignaient l’Irlande aux Açores, et celles-ci au continent de l’Amérique ; car on trouve en Irlande les mêmes fossiles, les mêmes coquillages et les mêmes productions marines que l’on trouve en Amérique, dont quelques-unes sont différentes de celles qu’on trouve dans le reste de l’Europe.

Eusèbe rapporte deux témoignages au sujet des déluges, dont l’un est de Melon, qui dit que la Syrie avait été autrefois inondée dans toutes les plaines ; l’autre est d’Abidenus, qui dit que du temps du roi Sisithrus il y eut un grand déluge qui avait été prédit par Saturne. Plutarque (de Solertia animalium), Ovide et les autres mythologistes parlent du déluge de Deucalion, qui s’est fait, dit-on, en Thessalie, environ 700 ans après le déluge universel. On prétend aussi qu’il y en a eu un plus ancien dans l’Attique, du temps d’Ogygès, environ 230 ans avant celui de Deucalion. Dans l’année 1095 il y eut un déluge en Syrie qui noya une infinité d’hommes. (Voyez Alsted. Chron., chap. xxv.) En 1164, il y en eut un si considérable dans la Frise que toutes les côtes maritimes furent submergées avec plusieurs milliers d’hommes. (Voyez Krank, lib. v, cap. iv.) En 1218, il y eut une autre inondation qui fit périr près de 100 000 hommes, aussi bien qu’en 1530. Il y a plusieurs autres exemples de ces grandes inondations, comme celle de 1604 en Angleterre, etc.

Une troisième cause de changement sur la surface du globe sont les vents impétueux : non seulement ils forment des dunes et des collines sur les bords de la mer et dans le milieu des continents, mais souvent ils arrêtent et font rebrousser les rivières, ils changent la direction des fleuves, ils enlèvent les terres cultivées, les arbres, ils renversent les maisons, ils inondent, pour ainsi dire, des pays tout entiers. Nous avons un exemple de ces inondations de sable en France sur les côtes de Bretagne : l’Histoire de l’Académie, année 1722, en fait mention dans les termes suivants :

« Aux environs de Saint-Paul de Léon, en basse Bretagne, il y a sur la mer un canton qui avant l’an 1666 était habité et ne l’est plus à cause d’un sable qui le couvre jusqu’à une hauteur de plus de 20 pieds, et qui d’année en année s’avance et gagne du terrain. À compter de l’époque marquée, il a gagné plus de six lieues, et il n’est plus qu’à une demi-lieue de Saint-Paul ; de sorte que, selon les apparences, il faudra abandonner cette ville. Dans le pays submergé, on voit encore quelques pointes de clochers et quelques cheminées qui sortent de cette mer de sable : les habitants des villages enterrés ont eu du moins le loisir de quitter leurs maisons pour aller mendier. (Page 7.)

» C’est le vent d’est ou de nord qui avance cette calamité ; il élève ce sable, qui est très fin, et le porte en si grande quantité et avec tant de vitesse que M. Deslandes, à qui l’Académie doit cette observation, dit qu’en se promenant dans ce pays-là pendant que le vent charriait, il était obligé de secouer de temps en temps son chapeau et son habit, parce qu’il les sentait appesantis : de plus, quand ce vent est violent il jette ce