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ment diminué, et qu’elle était presque à fleur d’eau ; de sorte qu’il n’y avait pas d’apparence qu’elle subsistât encore longtemps. » (Page 12.)

On est donc assuré par ces faits et un grand nombre d’autres semblables à ceux-ci, qu’au-dessous même des eaux de la mer les matières inflammables renfermées dans le sein de la terre agissent et font des explosions violentes. Les lieux où cela arrive sont des espèces de volcans qu’on pourrait appeler sous-marins, lesquels ne diffèrent des volcans ordinaires que par le peu de durée de leur action et le peu de fréquence de leurs effets ; car on conçoit bien que le feu s’étant une fois ouvert un passage, l’eau doit y pénétrer et l’éteindre : l’île nouvelle laisse nécessairement un vide que l’eau doit remplir, et cette nouvelle terre, qui n’est composée que des matières rejetées par le volcan marin, doit ressembler en tout au Monte-di-Cenere et aux autres éminences que les volcans terrestres ont formées en plusieurs endroits ; or, dans le temps du déplacement causé par la violence de l’explosion, et pendant ce mouvement, l’eau aura pénétré dans la plupart des endroits vides, et elle aura éteint pour un temps ce feu souterrain. C’est apparemment par cette raison que ces volcans sous-marins agissent plus rarement que les volcans ordinaires, quoique les causes de tous les deux soient les mêmes, et que les matières qui produisent et nourrissent ces feux souterrains puissent se trouver sous les terres couvertes par la mer en aussi grande quantité que sous les terres qui sont à découvert.

Ce sont ces mêmes feux souterrains ou sous-marins qui sont la cause de toutes ces ébullitions des eaux de la mer, que les voyageurs ont remarquées en plusieurs endroits, et des trombes dont nous avons parlé ; ils produisent aussi des orages et des tremblements qui ne sont pas moins sensibles sur la mer que sur la terre. Ces îles, qui ont été formées par ces volcans sous-marins, sont ordinairement composées de pierres ponces et de rochers calcinés, et ces volcans produisent, comme ceux de la terre, des tremblements et des commotions très violentes.

On a aussi vu souvent des feux s’élever de la surface des eaux ; Pline nous dit que le lac Trasimène a paru enflammé sur toute sa surface. Agricola rapporte que, lorsqu’on jette une pierre dans le lac de Denstat en Thuringe, il semble, lorsqu’elle descend dans l’eau, que ce soit un trait de feu.

Enfin, la quantité de pierres ponces que les voyageurs nous assurent avoir rencontrées dans plusieurs endroits de l’Océan et de la Méditerranée prouve qu’il y a au fond de la mer des volcans semblables à ceux que nous connaissons, et qui ne diffèrent ni par les matières qu’ils rejettent ni par la violence des explosions, mais seulement par la rareté et par le peu de continuité de leurs effets : tout, jusqu’aux volcans, se trouve au fond des mers comme à la surface de la terre.

Si même on y fait attention, l’on trouvera plusieurs rapports entre les volcans de terre et les volcans de mer : les uns et les autres ne se trouvent que dans les sommets des montagnes. Les îles des Açores et celles de l’Archipel ne sont que des pointes de montagnes dont les unes s’élèvent au-dessus de l’eau, et les autres sont au-dessous. On voit, par la relation de la nouvelle île des Açores, que l’endroit d’où sortait la fumée n’était qu’à 15 brasses de profondeur sous l’eau, ce qui, étant comparé avec les profondeurs ordinaires de l’océan, prouve que cet endroit même est un sommet de montagne. On en peut dire tout autant du terrain de la nouvelle île auprès de Santorin : il n’était pas à une grande profondeur sous les eaux, puisqu’il y avait des huîtres attachées aux rochers qui s’élevèrent. Il paraît aussi que ces volcans de mer ont quelquefois, comme ceux de terre, des communications souterraines, puisque le sommet du volcan du pic de Saint-Georges, dans l’île de Pic, s’abaissa lorsque la nouvelle île des Açores s’éleva. On doit encore observer que ces nouvelles îles ne paraissent jamais qu’auprès des anciennes, et qu’on n’a point d’exemple qu’il s’en soit élevé de nouvelles dans les hautes mers : on doit donc regarder le terrain où elles sont comme une continuation de celui des îles voisines ; et, lorsque ces