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nouvelle île augmenta considérablement jusqu’au 14 juin sans accident, et elle avait alors une demi-mille de tour et 20 à 30 pieds de hauteur ; la terre était blanche et tenait un peu de l’argile ; mais après cela la mer se troubla de plus en plus, il s’en éleva des vapeurs qui infectaient l’île de Santorin, et le 16 juillet on vit 17 ou 18 rochers sortir à la fois du fond de la mer ; ils se réunirent. Tout cela se fit avec un bruit affreux qui continua plus de deux mois, et des flammes qui s’élevaient de la nouvelle île ; elle augmentait toujours en circuit et en hauteur, et les explosions lançaient toujours des rochers et des pierres à plus de sept milles de distance. L’île de Santorin elle-même a passé chez les anciens pour une production nouvelle, et, en 726, 1427 et 1573, elle a reçu des accroissements, et il s’est formé de petites îles auprès de Santorin. (Voyez l’Hist. de l’Acad., 1708, p. 23 et suiv.) Le même volcan qui du temps de Sénèque a formé l’île de Santorin a produit, du temps de Pline, celle d’Hiéra ou de Volcanelle, et de nos jours a formé l’écueil dont nous venons de parler.

Le 10 octobre 1720, on vit auprès de l’île de Tercère un feu assez considérable s’élever de la mer : des navigateurs s’en étant approchés par ordre du gouverneur, ils aperçurent le 19 du même mois une île qui n’était que feu et fumée, avec une prodigieuse quantité de cendres jetées au loin, comme par la force d’un volcan, avec un bruit pareil à celui du tonnerre. Il se fit en même temps un tremblement de terre qui se fit sentir dans les lieux circonvoisins, et on remarqua sur la mer une grande quantité de pierres ponces, surtout autour de la nouvelle île : ces pierres ponces voyagent, et on en a quelquefois trouvé une grande quantité dans le milieu même des grandes mers. (Voyez Trans. Phil. Abr., v. VI, part. ii, p. 151.) L’Histoire de l’Académie, année 1721, dit, à l’occasion de cet événement, qu’après un tremblement de terre dans l’île de Saint-Michel, l’une des Açores, il a paru à 28 lieues au large, entre cette île et la Tercère, un torrent de feu qui a donné naissance à deux nouveaux écueils. (Page 26.) Dans le volume de l’année suivante, 1722, on trouve le détail qui suit.

« M. de L’Isle a fait savoir à l’Académie plusieurs particularités de la nouvelle île, entre les Açores, dont nous n’avions dit qu’un mot en 1721, p. 26 : il les avait tirées d’une lettre de M. de Montagnac, consul à Lisbonne.

» Un vaisseau où il était mouilla, le 18 septembre 1721, devant la forteresse de la ville de Saint-Michel, qui est dans l’île du même nom, et voici ce qu’on apprit d’un pilote du port.

» La nuit du 7 au 8 décembre 1720, il y eut un grand tremblement de terre dans la Tercère et dans Saint-Michel, distantes l’une de l’autre de 28 lieues, et l’île neuve sortit : on remarqua en même temps que la pointe de l’île de Pic, qui en était à 30 lieues, et qui auparavant jetait du feu, s’était affaissée et n’en jetait plus ; mais l’île neuve jetait continuellement une grosse fumée, et effectivement elle fut vue du vaisseau où était M. de Montagnac, tant qu’il en fut à portée. Le pilote assura qu’il avait fait dans une chaloupe le tour de l’île en l’approchant le plus qu’il avait pu. Du côté du sud il jeta la sonde et fila 60 brasses sans trouver fond ; du côté de l’ouest, il trouva les eaux fort changées : elles étaient d’un blanc bleu et vert, qui semblait du bas-fond, et qui s’étendait à deux tiers de lieue ; elle paraissait vouloir bouillir ; au nord-ouest, qui était l’endroit d’où sortait la fumée, il trouva 15 brasses d’eau fond de gros sable ; il jeta une pierre à la mer et il vit, à l’endroit où elle était tombée, l’eau bouillir et sauter en l’air avec impétuosité ; le fond était si chaud, qu’il fondit deux fois de suite le suif qui était au bout du plomb ; le pilote observa encore de ce côté-là que la fumée sortait d’un petit lac borné d’une dune de sable ; l’île est à peu près ronde et assez haute pour être aperçue de 7 à 8 lieues dans un temps clair.

» On a appris depuis, par une lettre de M. Adrien, consul de la nation française dans l’île de Saint-Michel, en date du mois de mars 1722, que l’île neuve avait considérable-