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dans l’intérieur de la montagne des amas de ces matières minérales déjà formées avant que les pluies pussent y pénétrer ; dès qu’il se sera fait des ouvertures et des fentes qui auront donné passage à l’eau et à l’air, ces matières se seront enflammées et auront formé un volcan : aucun de ces mouvements ne pouvant se faire dans les plaines, puisque tout est en repos et que rien ne peut se déplacer, il n’est pas surprenant qu’il n’y ait aucun volcan dans les plaines, et qu’ils se trouvent en effet dans les hautes montagnes.

Lorsqu’on a ouvert des minières de charbon de terre, que l’on trouve ordinairement dans l’argile à une profondeur considérable, il est arrivé quelquefois que le feu s’est mis à ces matières ; il y a même des mines de charbon en Écosse, en Flandre, etc., qui brûlent continuellement depuis plusieurs années : la communication de l’air suffit pour produire cet effet ; mais ces feux qui se sont allumés dans ces mines ne produisent que de légères explosions, et ils ne forment pas des volcans, parce que, tout étant solide et plein dans ces endroits, le feu ne peut pas être excité, comme celui des volcans dans lesquels il y a des cavités et des vides où l’air pénètre, ce qui doit nécessairement étendre l’embrasement et peut augmenter l’action du feu au point où nous la voyons lorsqu’elle produit les terribles effets dont nous avons parlé.





ARTICLE XVII

DES ÎLES NOUVELLES, DES CAVERNES, DES FENTES PERPENDICULAIRES, ETC.



Les îles nouvelles se forment de deux façons, ou subitement par l’action des feux souterrains, ou lentement par le dépôt du limon des eaux. Nous parlerons d’abord de celles qui doivent leur origine à la première de ces deux causes. Les anciens historiens et les voyageurs modernes rapportent à ce sujet des faits, de la vérité desquels on ne peut guère douter. Sénèque assure que, de son temps, l’île de Thérasie[1] parut tout à coup à la vue des mariniers. Pline rapporte qu’autrefois il y eut treize îles dans la mer Méditerranée qui sortirent en même temps du fond des eaux, et que Rhodes et Délos sont les principales de ces treize îles nouvelles ; mais il paraît, par ce qu’il en dit et par ce qu’en disent aussi Ammien Marcellin, Philon, etc., que ces treize îles n’ont pas été produites par un tremblement de terre, ni par une explosion souterraine : elles étaient auparavant cachées sous les eaux, et la mer en s’abaissant a laissé, disent-ils, ces îles à découvert ; Délos avait même le nom de Pelagia, comme ayant autrefois appartenu à la mer. Nous ne savons donc pas si l’on doit attribuer l’origine de ces treize îles nouvelles à l’action des feux souterrains ou à quelque autre cause qui aurait produit un abaissement et une diminution des eaux dans la mer Méditerranée ; mais Pline rapporte que l’île d’Hiéra, près de Thérasie, a été formée de masses ferrugineuses et de terres lancées du fond de la mer ; et, dans le chapitre lxxxix, il parle de plusieurs autres îles formées de la même façon nous avons sur tout cela des faits plus certains et plus nouveaux.

Le 23 mai 1707, au lever du soleil, on vit de cette même île de Thérasie ou de Santorin, à deux ou trois milles en mer, comme un rocher flottant ; quelques gens curieux y allèrent et trouvèrent que cet écueil, qui était sorti du fond de la mer, augmentait sous leurs pieds, et ils en rapportèrent de la pierre ponce et des huîtres que le rocher, qui s’était élevé du fond de la mer, tenait encore attachées à sa surface. Il y avait eu un petit tremblement de terre à Santorin deux jours auparavant la naissance de cet écueil : cette

  1. Aujourd’hui Santorin.