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quand ces faits seraient bien certains, ils ne prouveraient pas d’une manière solide que le feu des volcans vient d’une grande profondeur, car l’eau qu’ils rejettent est certainement l’eau des pluies qui pénètre par les fentes et qui se ramasse dans les cavités de la montagne : on voit découler des eaux vives et des ruisseaux du sommet des volcans, comme il en découle des autres montagnes élevées ; et, comme elles sont creuses et qu’elles ont été plus ébranlées que les autres montagnes, il n’est pas étonnant que les eaux se ramassent dans les cavernes qu’elles contiennent dans leur intérieur, et que ces eaux soient rejetées dans le temps des éruptions avec les autres matières ; à l’égard du mouvement de la mer, il provient uniquement de la secousse communiquée aux eaux par l’explosion, ce qui doit les faire affluer ou refluer, suivant les différentes circonstances.

Les matières que rejettent, les volcans sortent le plus souvent sous la forme d’un torrent de minéraux fondus, qui inonde tous les environs de ces montagnes ; ces fleuves de matières liquéfiées s’étendent même à des distances considérables, et, en se refroidissant, ces matières, qui sont en fusion, forment des couches horizontales ou inclinées qui, pour la position, sont semblables aux couches formées par les sédiments des eaux ; mais il est fort aisé de distinguer ces couches produites par l’expansion des matières rejetées des volcans, de celles qui ont pour origine les sédiments de la mer : 1o parce que ces couches ne sont pas d’égale épaisseur partout ; 2o parce qu’elles ne contiennent que des matières qu’on reconnaît évidemment avoir été calcinées, vitrifiées ou fondues ; 3o parce qu’elles ne s’étendent pas à une grande distance. Comme il y a au Pérou un grand nombre de volcans, et que le pied de la plupart des montagnes des Cordillères est recouvert de ces matières rejetées par ces volcans, il n’est pas étonnant qu’on ne trouve pas de coquilles marines dans ces couches de terre ; elles ont été calcinées et détruites par l’action du feu, mais je suis persuadé que si l’on creusait dans la terre argileuse qui, selon M. Bouguer, est la terre ordinaire de la vallée de Quito, on y trouverait des coquilles, comme l’on en trouve partout ailleurs, en supposant que cette terre soit vraiment de l’argile, et qu’elle ne soit pas, comme celle qui est au pied des montagnes, un terrain formé par les matières rejetées des volcans.

On a souvent demandé pourquoi les volcans se trouvent tous dans les hautes montagnes : je crois avoir satisfait en partie à cette question dans le Discours précédent ; mais, comme je ne suis pas entré dans un assez grand détail, j’ai cru que je ne devais pas finir cet article sans développer davantage ce que j’ai dit sur ce sujet.

Les pics ou les pointes des montagnes étaient autrefois recouverts et environnés de sables et de terres que les eaux pluviales ont entraînés dans les vallées ; il n’est resté que les rochers et les pierres qui formaient le noyau de la montagne ; ce noyau, se trouvant à découvert et déchaussé jusqu’au pied, aura encore été dégradé par les injures de l’air ; la gelée en aura détaché de grosses et de petites parties qui auront roulé au bas ; en même temps, elle aura fait fendre plusieurs rochers au sommet de la montagne ; ceux qui forment la base de ce sommet se trouvant découverts, et n’étant plus appuyés par les terres qui les environnaient, auront un peu cédé, et, en s’écartant les uns des autres, ils auront formé de petits intervalles : cet ébranlement des rochers inférieurs n’aura pu se faire sans communiquer aux rochers supérieurs un mouvement plus grand : ils se seront fendus ou écartés les uns des autres. Il se sera donc formé dans ce noyau de montagne une infinité de petites et de grandes fentes perpendiculaires, depuis le sommet jusqu’à la base des rochers inférieurs ; les pluies auront pénétré dans toutes ces fentes, et elles auront détaché dans l’intérieur de la montagne toutes les parties minérales et toutes les autres matières qu’elles auront pu enlever ou dissoudre ; elles auront formé des pyrites, des soufres et d’autres matières combustibles, et lorsque, par la succession des temps, ces matières se seront accumulées en grande quantité, elles auront fermenté, et en s’enflammant elles auront produit les explosions et les autres effets des volcans. Peut-être aussi y avait-il