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de terre, il y a de bonnes baies aux extrémités de ces espaces, dans les lieux où ils s’avancent dans la mer, comme sur la côte de Caracos, etc. ; les îles de Jean Fernando, de Sainte-Hélène, etc., sont des terres hautes dont la côte est profonde. Généralement parlant, tel est le fond qui paraît au-dessus de l’eau, tel est celui que l’eau couvre, et pour mouiller sûrement, il faut ou que le fond soit au niveau, ou que sa pente soit bien peu sensible ; car s’il est escarpé l’ancre glisse et le vaisseau est emporté. De là vient que nous ne nous mettons jamais en devoir de mouiller dans les lieux où nous voyons les terres hautes et des montagnes escarpées qui bornent la mer : aussi, étant à vue des îles des États, proche de la terre Del Fuego, avant que d’entrer dans les mers du sud, nous ne songeâmes seulement pas à mouiller après que nous eûmes vu la côte, parce qu’il nous parut près de la mer des rochers escarpés ; cependant il peut y avoir de petits havres où des barques ou autres petits bâtiments peuvent mouiller, mais nous ne nous mîmes pas en peine de les chercher.

» Comme les côtes hautes et escarpées ont ceci d’incommode qu’on n’y mouille que rarement, elles ont aussi ceci de commode qu’on les découvre de loin et qu’on en peut approcher sans danger : aussi est-ce pour cela que nous les appelons côtes hardies, ou, pour parler plus naturellement, côtes exhaussées ; mais pour les terres basses on ne les voit que de fort près, et il y a plusieurs lieux dont on n’ose approcher de peur d’échouer avant que de les apercevoir ; d’ailleurs il y en a plusieurs des bancs qui forment par le concours des grosses rivières, qui des terres basses se jettent dans la mer.

» Ce que je viens de dire, qu’on mouille d’ordinaire sûrement près des terres basses, peut se confirmer par plusieurs exemples. Au midi de la baie de Campêche les terres sont basses pour la plupart, aussi peut-on ancrer tout le long de la côte, et il y a des endroits à l’orient de la ville de Campêche où vous avez autant de brasses d’eau que vous êtes éloigné de la terre, c’est-à-dire, depuis 9 à 10 lieues de distance, jusqu’à ce que vous en soyez à 4 lieues, et de là jusqu’à la côte la profondeur va toujours en diminuant. La baie de Honduras est encore un pays bas, et continue de même tout le long de là aux côtes de Porto-Bello et de Carthagène, jusqu’à ce qu’on soit à la hauteur de Sainte-Marthe ; de là le pays est encore bas jusque vers la côte de Caracos, qui est haute. Les terres des environs de Surinam sur la même côte sont basses, et l’ancrage y est bon ; il en est de même de là à la côte de Guinée. Telle est aussi la baie de Panama, et les livres de pilotage ordonnent aux pilotes d’avoir toujours la sonde à la main et de ne pas approcher d’une telle profondeur, soit de nuit, soit de jour. Sur les mêmes mers, depuis les hautes terres de Guatimala en Mexique jusqu’à Californie, la plus grande partie de la côte est basse, aussi y peut-on mouiller sûrement. En Asie la côte de la Chine, les baies de Siam et de Bengale, toute la côte de Coromandel et la côte des environs de Malaga, et près de là l’île de Sumatra du même côté, la plupart de ces côtes sont basses et bonnes pour ancrer, mais à côté de l’occident de Sumatra les côtes sont escarpées et hardies : telles sont aussi la plupart des îles situées à l’orient de Sumatra, comme les îles de Bornéo, de Célèbes, de Gilolo, et quantité d’autres îles de moindre considération, qui sont dispersées par-ci par-là sur ces mers, et qui ont de bonnes rades avec plusieurs fonds bas ; mais les îles de l’océan de l’Inde orientale, surtout l’ouest de ces îles, sont des terres hautes et escarpées, principalement les parties occidentales, non seulement de Sumatra, mais aussi de Java, de Timor, etc. On n’aurait jamais fait si l’on voulait produire tous les exemples qu’on pourrait trouver ; on dira seulement en général qu’il est rare que les côtes hautes soient sans eaux profondes, et au contraire les terres basses et les mers peu creuses se trouvent presque toujours ensemble. » (Voyage de Dampier autour du monde, t. II, p. 476 et suiv.)

On est donc assuré qu’il y a des inégalités dans le fond de la mer, et des montagnes très considérables, par les observations que les navigateurs ont faites avec la sonde. Les