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vement général, comme est celui d’orient en occident, il en devient plus sensible ; on en a un exemple dans la mer Pacifique, où le mouvement d’orient en occident est constant et très sensible. 3o On doit remarquer que, lorsqu’une partie d’un fluide se meut, toute la masse du fluide se meut aussi : or, dans le mouvement des marées, il y a une très grande partie de l’océan qui se meut sensiblement ; toute la masse des mers se meut donc en même temps, et les mers sont agitées par ce mouvement dans toute leur étendue et dans toute leur profondeur.

Pour bien entendre ceci, il faut faire attention à la nature de la force qui produit le flux et le reflux, et réfléchir sur son action et sur ses effets. Nous avons dit que la lune agit sur la terre par une force que les uns appellent attraction, et les autres pesanteur ; cette force d’attraction ou de pesanteur pénètre le globe de la terre dans toutes les parties de sa masse, elle est exactement proportionnelle à la quantité de matière, et en même temps elle décroît comme le carré de la distance augmente : cela posé, examinons ce qui doit arriver en supposant la lune au méridien d’une plage de la mer. La surface des eaux, étant immédiatement sous la lune, est alors plus près de cet astre que toutes les autres parties du globe, soit de la terre, soit de la mer : dès lors cette partie de la mer doit s’élever vers la lune, en formant une éminence dont le sommet correspond au centre de cet astre. Pour que cette éminence puisse se former, il est nécessaire que les eaux, tant de la surface environnante que du fond de cette partie de la mer, y contribuent, ce qu’elles font en effet, à proportion de la proximité où elles sont de l’astre qui exerce cette action dans la raison inverse du carré de la distance : ainsi la surface de cette partie de la mer s’élevant la première, les eaux de la surface des parties voisines s’élèveront aussi, mais à une moindre hauteur, et les eaux du fond de toutes ces parties éprouveront le même effet et s’élèveront par la même cause ; en sorte que toute cette partie de la mer devenant plus haute, et formant une éminence, il est nécessaire que les eaux de la surface et du fond des parties éloignées, et sur lesquelles cette force d’attraction n’agit pas, viennent avec précipitation pour remplacer les eaux qui se sont élevées ; c’est là ce qui produit le flux, qui est plus ou moins sensible sur les différentes côtes, et qui, comme l’on voit, agite la mer non seulement à sa surface, mais jusqu’aux plus grandes profondeurs. Le reflux arrive ensuite par la pente naturelle des eaux ; lorsque l’astre a passé et qu’il n’exerce plus sa force, l’eau, qui s’était élevée par l’action de cette puissance étrangère, reprend son niveau et regagne les rivages et les lieux qu’elle avait été forcée d’abandonner ; ensuite lorsque la lune passe au méridien de l’antipode du lieu où nous avons supposé qu’elle a d’abord élevé les eaux, le même effet arrive ; les eaux, dans cet instant où la lune est absente et la plus éloignée, s’élèvent sensiblement, autant que dans le temps où elle est présente et la plus voisine de cette partie de la mer : dans le premier cas les eaux s’élèvent, parce qu’elles sont plus près de l’astre que toutes les autres parties du globe ; et dans le second cas c’est par la raison contraire, elles ne s’élèvent que parce qu’elles en sont plus éloignées que toutes les autres parties du globe, et l’on voit bien que cela doit produire le même effet ; car alors les eaux de cette partie, étant moins attirées que tout le reste du globe, elles s’éloigneront nécessairement du reste du globe et formeront une éminence dont le sommet répondra au point de la moindre action, c’est-à-dire au point du ciel directement opposé à celui où se trouve la lune, ou, ce qui revient au même, au point où elle était treize heures auparavant, lorsqu’elle avait élevé les eaux la première fois ; car lorsqu’elle est parvenue à l’horizon, le reflux étant arrivé, la mer est alors dans son état naturel, et les eaux sont en équilibre et de niveau ; mais quand la lune est au méridien opposé, cet équilibre ne peut plus subsister, puisque les eaux de la partie opposée à la lune étant à la plus grande distance où elles puissent être de cet astre, elles sont moins attirées que le reste du globe, qui, étant intermédiaire, se trouve être plus voisin de la lune, et, dès lors, leur pesanteur relative, qui les tient tou-