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funestes effets, ils nourrissent tous deux du poisson, les oiseaux volent par-dessus, et les hommes s’y baignent sans aucun danger.

Il y a, dit-on, en Bohême, dans la campagne de Boleslaw, un lac où il y a des trous d’une profondeur si grande qu’on n’a pu la sonder, et il s’élève de ces trous des vents impétueux qui parcourent toute la Bohême et qui, pendant l’hiver, élèvent souvent en l’air des morceaux de glace de plus de 100 livres de pesanteur. (Voyez Act. Lips., an. 1682, pag. 246.) On parle d’un lac en Islande qui pétrifie ; le lac Néagh en Irlande a aussi la même propriété ; mais ces pétrifications, produites par l’eau de ces lacs, ne sont sans doute autre chose que des incrustations comme celles que fait l’eau d’Arcueil.





ARTICLE XII

DU FLUX ET DU REFLUX



L’eau n’a qu’un mouvement naturel qui lui vient de sa fluidité ; elle descend toujours des lieux les plus élevés dans les lieux les plus bas, lorsqu’il n’y a point de digues ou d’obstacles qui la retiennent ou qui s’opposent à son mouvement, et lorsqu’elle est arrivée au lieu le plus bas, elle y reste tranquille et sans mouvement, à moins que quelque cause étrangère et violente ne l’agite et ne l’en fasse sortir. Toutes les eaux de l’océan sont rassemblées dans les lieux les plus bas de la superficie de la terre : ainsi les mouvements de la mer viennent de causes extérieures. Le principal mouvement est celui du flux et du reflux qui se fait alternativement en sens contraire, et duquel il résulte un mouvement continuel et général de toutes les mers d’orient en occident ; ces deux mouvements ont un rapport constant et régulier avec les mouvements de la lune : dans les pleines et dans les nouvelles lunes, ce mouvement des eaux d’orient en occident est plus sensible, aussi bien que celui du flux et du reflux ; celui-ci se fait sentir dans l’intervalle de six heures et demie sur la plupart des rivages, en sorte que le flux arrive toutes les fois que la lune est au-dessus ou au-dessous du méridien, et le reflux succède toutes les fois que la lune est dans son plus grand éloignement du méridien, c’est-à-dire toutes les fois qu’elle est à l’horizon, soit à son coucher, soit à son lever. Le mouvement de la mer d’orient en occident est continuel et constant, parce que tout l’océan dans le flux se meut d’orient en occident, et pousse vers l’occident une très grande quantité d’eau, et que le reflux ne paraît se faire en sens contraire qu’à cause de la moindre quantité d’eau qui est alors poussée vers l’occident ; car le flux doit plutôt être regardé comme une intumescence, et le reflux comme une détumescence des eaux, laquelle, au lieu de troubler le mouvement d’orient en occident, le produit et le rend continuel, quoique à la vérité il soit plus fort pendant l’intumescence, et plus faible pendant la détumescence par la raison que nous venons d’exposer.

Les principales circonstances de ce mouvement sont : 1o qu’il est plus sensible dans les nouvelles et pleines lunes que dans les quadratures ; dans le printemps et l’automne il est aussi plus violent que dans les autres temps de l’année, et il est le plus faible dans le temps des solstices, ce qui s’explique fort naturellement par la combinaison des forces de l’attraction de la lune et du soleil. (Voyez, sur cela, les Démonstrations de Newton.) 2o Les vents changent souvent la direction et la quantité de ce mouvement, surtout les vents qui soufflent constamment du même côté ; il en est de même des grands fleuves qui portent leurs eaux dans la mer, et qui y produisent un mouvement de courant qui s’étend souvent à plusieurs lieues, et lorsque la direction du vent s’accorde avec le mou-