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vement général, entre dans les premiers et fuit les derniers, et c’est par cette même raison qu’il y a de violentes marées dans les mers de la Chine, de Corée et de Kamtchatka.

En descendant du détroit de Hudson vers la terre de Labrador, on voit une ouverture étroite, dans laquelle Davis, en 1586, remonta jusqu’à trente lieues, et fit quelque petit commerce avec les habitants ; mais personne, que je sache, n’a depuis tenté la découverte de ce bras de mer, et on ne connaît de la terre voisine que le pays des Esquimaux : le fort Pontchartrain est la seule habitation et la plus septentrionale de tout ce pays, qui n’est séparé de l’île de Terre-Neuve que par le petit détroit de Bellisle, qui n’est pas trop fréquenté ; et comme la côte orientale de Terre-Neuve est dans la même direction que la côte de Labrador, on doit regarder l’île de Terre-Neuve comme une partie du continent, de même que l’île Royale paraît être une partie du continent de l’Acadie. Le grand banc et les autres bancs sur lesquels on pêche la morue ne sont pas des hauts-fonds, comme on pourrait le croire ; ils sont à une profondeur considérable sous l’eau, et produisent dans cet endroit des courants très violents. Entre le cap Breton et Terre-Neuve est un détroit assez large par lequel on entre dans une petite mer méditerranée qu’on appelle le golfe de Saint-Laurent ; cette petite mer a un bras qui s’étend assez considérablement dans les terres, et qui semble n’être que l’embouchure du fleuve Saint-Laurent ; le mouvement du flux et reflux est extrêmement sensible dans ce bras de mer, et à Québec même, qui est plus avancé dans les terres, les eaux s’élèvent de plusieurs pieds. Au sortir du golfe de Canada et en suivant la côte de l’Acadie, on trouve un petit golfe qu’on appelle la baie de Boston, qui fait un petit enfoncement carré dans les terres ; mais, avant que de suivre cette côte plus loin, il est bon d’observer que depuis l’île de Terre-Neuve jusqu’aux îles Antilles les plus avancées, comme la Barbade et Antigoa, et même jusqu’à celles de la Guyane, l’océan fait un très grand golfe qui a plus de 500 lieues d’enfoncement jusqu’à la Floride ; ce golfe du nouveau continent est semblable à celui de l’ancien continent dont nous avons parlé, et, tout de même que dans le continent oriental, l’océan, après avoir fait un golfe entre les terres de Kamtchatka et de la Nouvelle-Bretagne, forme ensuite une vaste mer méditerranée, qui comprend la mer de Kamtchatka, celle de Corée, celle de la Chine, etc., dans le nouveau continent, l’océan, après avoir fait un grand golfe entre les terres de Terre-Neuve et celles de la Guyane, forme une très grande mer méditerranée qui s’étend depuis les Antilles jusqu’au Mexique ; ce qui confirme ce que nous avons dit au sujet des effets du mouvement de l’océan d’orient en occident, car il semble que l’océan ait gagné tout autant de terrain sur les côtes orientales de l’Amérique qu’il en a gagné sur les côtes orientales de l’Asie ; et ces deux grands golfes ou enfoncements que l’océan a formés dans ces deux continents sont sous le même degré de latitude et à peu près de la même étendue, ce qui fait des rapports ou des convenances singulières, et qui paraissent venir de la même cause.

Si l’on examine la position des îles Antilles, à commencer par celle de la Trinité, qui est la plus méridionale, on ne pourra guère douter que les îles de la Trinité, de Tabago, de la Grenade, les îles des Grenadilles, celles de Saint-Vincent, de la Martinique, de Marie-Galante, de la Désirade, d’Antigoa, de la Barbade, avec toutes les autres îles qui les accompagnent, ne fassent une chaîne de montagnes dont la direction est du sud au nord, comme est celle de l’île de Terre-Neuve et de la terre des Esquimaux. Ensuite la direction de ces îles Antilles est de l’est à l’ouest, en commençant à l’île de la Barbade, passant par Saint-Barthélemy, Porto-Rico, Saint-Domingue et l’île de Cuba, à peu près comme les terres du cap Breton, de l’Acadie, de la Nouvelle-Angleterre ; toutes ces îles sont si voisines les unes des autres, qu’on peut les regarder comme une bande de terre non interrompue et comme les parties les plus élevées d’un terrain submergé : la plupart de ces îles ne sont, en effet, que des pointes de montagnes, et la mer qui est au delà est une vraie mer méditerranée, où le mouvement du flux et reflux n’est guère plus sensible que dans notre