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fort hauts et d’une vaste étendue dans ce détroit, surtout du côté de Madagascar ; ce qui reste de passage absolument libre dans ce détroit n’est pas fort considérable.

En remontant la côte occidentale de l’Afrique depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu’au cap Negro, les terres sont droites et dans la même direction, et il semble que toute cette longue côte ne soit qu’une suite de montagnes ; c’est au moins un pays élevé qui ne produit, dans une étendue de plus de 500 lieues, aucune rivière considérable, à l’exception d’une ou de deux dont on n’a reconnu que l’embouchure ; mais au delà du cap Negro la côte fait une courbe dans les terres qui, dans toute l’étendue de cette courbe, paraissent être un pays plus bas que le reste de l’Afrique, et qui est arrosé de plusieurs fleuves dont les plus grands sont le Coanza et le Zaïré. On compte depuis le cap Negro jusqu’au cap Gonsalvez vingt-quatre embouchures de rivières toutes considérables, et l’espace contenu entre ces deux caps est d’environ 420 lieues en suivant les côtes. On peut croire que l’océan a un peu gagné sur ces terres basses de l’Afrique, non pas par son mouvement naturel d’orient en occident, qui est dans une direction contraire à celle qu’exigerait l’effet dont il est question, mais seulement parce que ces terres étant plus basses que toutes les autres, il les aura surmontées et minées presque sans effort. Du cap Gonsalvez au cap des Trois-Pointes l’océan forme un golfe fort ouvert qui n’a rien de remarquable, sinon un cap fort avancé et situé à peu près dans le milieu de l’étendue des côtes qui forment ce golfe : on l’appelle le cap Formosa : il y a aussi trois îles dans la partie la plus méridionale de ce golfe, qui sont les îles Fernando-Po, du Prince et de Saint-Thomas ; ces îles paraissent être la continuation d’une chaîne de montagnes située entre Rio-del-Rey et le fleuve Jamoer. Du cap des Trois-Pointes au cap Palmas, l’océan rentre un peu dans les terres, et du cap Palmas au cap Tagrin il n’y a rien de remarquable dans le gisement des terres ; mais auprès du cap Tagrin l’océan fait un très petit golfe dans les terres de Sierra-Leona, et plus haut un autre encore plus petit où sont les îles Bisagas ; ensuite on trouve le cap Vert qui est fort avancé dans la mer, et dont il paraît que les îles du même nom ne sont que la continuation, ou, si l’on veut, celle du cap Blanc, qui est une terre élevée, encore plus considérable et plus avancée que celle du cap Vert. On trouve ensuite la côte montagneuse et sèche qui commence au cap Blanc et finit au cap Bajador ; les îles Canaries paraissent être une continuation de ces montagnes ; enfin, entre les terres du Portugal et de l’Afrique, l’océan fait un golfe fort ouvert, au milieu duquel est le fameux détroit de Gibraltar, par lequel l’océan coule dans la Méditerranée avec une grande rapidité. Cette mer s’étend à près de 900 lieues dans l’intérieur des terres, et elle a plusieurs choses remarquables : premièrement, elle ne participe pas d’une manière sensible au mouvement de flux et de reflux, et il n’y a que dans le golfe de Venise, où elle se rétrécit beaucoup, que ce mouvement se fait sentir ; on prétend aussi s’être aperçu de quelque petit mouvement à Marseille et à la côte de Tripoli ; en second lieu, elle contient de grandes îles : celle de Sicile, celle de Sardaigne, de Corse, de Chypre, de Majorque, etc., et l’une des plus grandes presqu’îles du monde, qui est l’Italie : elle a aussi un archipel, ou plutôt c’est de cet archipel de notre mer Méditerranée que les autres amas d’îles ont emprunté ce nom ; mais cet archipel de la Méditerranée me paraît appartenir plutôt à la mer Noire, et il semble que ce pays de la Grèce ait été en partie noyé par les eaux surabondantes de la mer Noire, qui coulent dans la mer de Marmara, et de là dans la mer Méditerranée.

Je sais bien que quelques gens ont prétendu qu’il y avait dans le détroit de Gibraltar un double courant : l’un supérieur, qui portait l’eau de l’océan dans la Méditerranée, et l’autre Inférieur, dont l’effet, disent-ils, est contraire ; mais cette opinion est évidemment fausse et contraire aux lois de l’hydrostatique : on a dit de même que, dans plusieurs autres endroits, il y avait de ces courants inférieurs, dont la direction était opposée à celle du courant supérieur, comme dans le Bosphore, dans le détroit du Sund, etc., et Marsilli