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lac que comme une mer, a presque trois fois plus d’étendue d’orient en occident que du midi au nord, et que, par conséquent, sa position est semblable à la direction des fleuves en général ; qu’il en est de même de la mer Méditerranée, dont la longueur d’orient en occident est environ six fois plus grande que sa largeur moyenne, prise du nord au midi.

À la vérité, la mer Caspienne, suivant la carte qui en a été levée par ordre du czar Pierre Ier, a plus d’étendue du midi au nord que d’orient en occident, au lieu que dans les anciennes cartes elle était presque ronde, ou plus large d’orient en occident que du midi au nord ; mais, si l’on fait attention que le lac Aral peut être regardé comme ayant fait partie de la mer Caspienne, dont il n’est séparé que par des plaines de sable, on trouvera encore que la longueur, depuis le bord occidental de la mer Caspienne jusqu’au bord oriental du lac Aral, est plus grande que la longueur depuis le bord méridional jusqu’au bord septentrional de la même mer.

On trouvera de même que l’Euphrate et le golfe Persique sont dirigés d’occident en orient, et que presque tous les fleuves de la Chine vont d’occident en orient ; il en est de même de tous les fleuves de l’intérieur de l’Afrique au delà de la Barbarie ; ils coulent tous d’orient en occident, et d’occident en orient ; il n’y a que les rivières de Barbarie et le Nil qui coulent du midi au nord. À la vérité, il y a de grandes rivières en Asie qui coulent en partie du nord au midi, comme le Don, le Volga, etc. ; mais, en prenant la longueur entière de leur cours, on verra qu’ils ne se tournent du côté du midi que pour se rendre dans la mer Noire et dans la mer Caspienne, qui sont des lacs dans l’intérieur des terres.

On peut donc dire, en général, que dans l’Europe, l’Asie et l’Afrique, les fleuves et les autres eaux méditerranées s’étendent plus d’orient en occident que du nord au sud ; ce qui vient de ce que les chaînes des montagnes sont dirigées pour la plupart dans ce sens, et que d’ailleurs le continent entier de l’Europe et de l’Asie est plus large dans ce sens que dans l’autre ; car il y a deux manières de concevoir cette direction des fleuves : dans un continent long et étroit, comme est celui de l’Amérique méridionale, et dans lequel il n’y a qu’une chaîne principale de montagnes qui s’étend du nord au sud, les fleuves, n’étant retenus par aucune autre chaîne de montagnes, doivent couler dans le sens perpendiculaire à celui de la direction des montagnes, c’est-à-dire d’orient en occident, ou d’occident en orient ; c’est, en effet, dans ce sens que coulent toutes les grandes rivières de l’Amérique, parce que, à l’exception des Cordillères, il n’y a pas de chaînes de montagnes fort étendues, et qu’il n’y en a point dont les directions soient parallèles aux Cordillères. Dans l’ancien continent, comme dans le nouveau, la plus grande partie des eaux ont leur plus grande étendue d’occident en orient, et le plus grand nombre des fleuves coulent dans cette direction ; mais c’est par une autre raison : c’est qu’il y a plusieurs longues chaînes de montagnes parallèles les unes aux autres, dont la direction est d’occident en orient, et que les fleuves et les autres eaux sont obligés de suivre les intervalles qui séparent ces chaînes de montagnes ; par conséquent, une seule chaîne de montagnes, dirigée du nord au sud, produira des fleuves dont la direction sera la même que celle des fleuves qui sortiraient de plusieurs chaînes de montagnes dont la direction commune serait d’orient en occident, et c’est par cette raison particulière que les fleuves d’Amérique ont cette direction comme ceux de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie.

Pour l’ordinaire, les rivières occupent le milieu des vallées, ou plutôt la partie la plus basse du terrain compris entre les deux collines ou montagnes opposées : si les deux collines qui sont de chaque côté de la rivière ont chacune une pente à peu près égale, la rivière occupe à peu près le milieu du vallon ou de la vallée intermédiaire : que cette vallée soit large ou étroite, si la pente des collines ou des terres élevées qui sont de chaque côté de la rivière est égale, la rivière occupera le milieu de la vallée ; au contraire, si l’une des collines a une pente plus rapide que n’est la pente de la colline