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coquilles, quelque abondantes qu’elles soient, ne font qu’un petit volume en comparaison de ces productions, qui toutes sont originaires de nos mers et surtout de la Méditerranée.

La mer Rouge est de toutes les mers celle qui produit le plus abondamment des coraux, des madrépores et des plantes marines ; il n’y a peut-être point d’endroit qui en fournisse une plus grande variété que le port de Tor : dans un temps calme, il se présente aux yeux une si grande quantité de ces plantes, que le fond de la mer ressemble à une forêt ; il y a des madrépores branchus qui ont jusqu’à huit et dix pieds de hauteur : on en trouve beaucoup dans la mer Méditerranée, à Marseille, près des côtes d’Italie et de Sicile ; il y en a aussi en quantité dans la plupart des golfes de l’océan, autour des îles, sur les bancs, dans tous les climats tempérés où la mer n’a qu’une profondeur médiocre.

M. Peyssonel avait observé et reconnu, le premier que les coraux, les madrépores, etc., devaient leur origine à des animaux, et n’étaient pas des plantes, comme on le croyait et comme leur forme et leur accroissement paraissaient l’indiquer : on a voulu longtemps douter de la vérité de l’observation de M. Peyssonel ; quelques naturalistes, trop prévenus de leurs propres opinions, l’ont même rejetée d’abord avec une espèce de dédain ; cependant ils ont été obligés de reconnaître depuis peu la découverte de M. Peyssonel, et tout le monde est enfin convenu que ces prétendues plantes marines ne sont autre chose que des ruches, ou plutôt des loges de petits animaux qui ressemblent aux poissons des coquilles en ce qu’ils forment, comme eux, une grande quantité de substance pierreuse dans laquelle ils habitent, comme les poissons dans leurs coquilles ; ainsi les plantes marines, que d’abord l’on avait mises au rang des minéraux, ont ensuite passé dans la classe des végétaux, et sont enfin demeurées pour toujours dans celle des animaux.

Il y a des coquillages qui habitent le fond des hautes mers, et qui ne sont jamais jetés sur les rivages ; les auteurs les appellent Pelagiæ, pour les distinguer des autres qu’ils appellent Littorales. Il est à croire que les cornes d’ammon et quelques autres espèces qu’on trouve pétrifiées, et dont on n’a pas encore trouvé les analogues vivants, demeurent toujours dans le fond des hautes mers, et qu’ils ont été remplis du sédiment pierreux dans le lieu même où ils étaient ; il peut se faire aussi qu’il y ait eu de certains animaux dont l’espèce a péri ; ces coquillages pourraient être du nombre : les os fossiles extraordinaires, qu’on trouve en Sibérie, au Canada, en Irlande et dans plusieurs autres endroits, semblent confirmer cette conjecture, car jusqu’ici on ne connaît pas d’animal à qui on puisse attribuer ces os qui, pour la plupart, sont d’une grandeur et d’une grosseur démesurées.

On trouve ces coquilles depuis le haut jusqu’au fond des carrières ; on les voit aussi dans des puits beaucoup plus profonds ; il y en a au fond des mines de Hongrie. (Voyez Woodward.)

On en trouve à 200 brasses, c’est-à-dire à 1 000 pieds de profondeur dans des rochers qui bordent l’île de Caldé et dans la province de Pembroke en Angleterre. (Voyez Ray’s Discourses, p. 178.)

Non seulement on trouve à de grandes profondeurs et au-dessus des plus hautes montagnes des coquilles pétrifiées, mais on en trouve aussi qui n’ont point changé de nature, qui ont encore le luisant, les couleurs et la légèreté des coquilles de la mer ; on trouve des glossopètres et d’autres dents de poissons dans leurs mâchoires, et il ne faut, pour se convaincre entièrement sur ce sujet, que regarder la coquille de mer et celle de terre, et les comparer : il n’y a personne qui, après un examen, même léger, puisse douter un instant que ces coquilles fossiles et pétrifiées ne soient pas les mêmes que celles de la mer ; on y remarque les plus petites articulations, et même les perles que l’animal vivant produit ; on remarque que les dents de poisson sont polies et usées à l’extrémité, et qu’elles ont servi pendant le temps que l’animal était vivant.

On trouve aussi presque partout, dans la terre, des coquillages de la même espèce,