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des coquilles conservées : on verra dans le discours sur les minéraux les preuves que j’en donnerai ; je me contenterai d’indiquer ici le point de vue sous lequel il faut considérer les couches dont le globe est composé. La première couche extérieure est formée du limon de l’air, du sédiment des pluies, des rosées, et des parties végétales ou animales, réduites en particules dans lesquelles l’ancienne organisation n’est pas sensible ; les couches intérieures de craie, de marne, de pierre à chaux, de marbre, sont composées de détriments de coquilles et d’autres productions marines, mêlées avec des fragments de coquilles ou avec des coquilles entières ; mais les sables vitrifiables et l’argile sont les matières dont l’intérieur du globe est composé ; elles ont été vitrifiées dans le temps que le globe a pris sa forme, laquelle suppose nécessairement que la matière a été toute en fusion. Le granit, le roc vif, les cailloux et les grès en grande masse, les ardoises, les charbons de terre[NdÉ 1] doivent leur origine au sable et à l’argile, et ils sont aussi disposés par couches ; mais les tufs, les grès et les cailloux qui ne sont pas en grande masse, les cristaux, les métaux, les pyrites, la plupart des minéraux, les soufres, etc., sont des matières dont la formation est nouvelle en comparaison des marbres, des pierres calcinables, des craies, des marnes, et de toutes les autres matières qui sont disposées par couches horizontales, et qui contiennent des coquilles et d’autres débris des productions de la mer.

Comme les dénominations dont je viens de me servir pourraient paraître obscures ou équivoques, je crois qu’il est nécessaire de les expliquer. J’entends par le mot d’argile, non seulement les argiles blanches, jaunes, mais aussi les glaises bleues, molles, dures feuilletées, etc., que je regarde comme des scories de verre, ou comme du verre décomposé. Par le mot de sable, j’entends toujours le sable vitrifiable, et non seulement je comprends sous cette dénomination le sable fin qui produit les grès, et que je regarde comme de la poussière de verre, ou plutôt de pierre ponce, mais aussi le sable qui provient du grès usé et détruit par le frottement, et encore le sable gros comme du menu gravier, qui provient du granit et du roc vif, qui est aigre, anguleux, rougeâtre, et qu’on trouve assez communément dans le lit des ruisseaux et des rivières qui tirent immédiatement leurs eaux des hautes montagnes, ou de collines qui sont composées de roc vif ou de granit. La rivière d’Armanson qui passe à Semur en Auxois, où toutes les pierres sont du roc vif, charrie une grande quantité de ce sable, qui est gros et fort aigre ; il est de la même nature que le roc vif, et il n’en est en effet que le débris, comme le gravier calcinable n’est que le débris de la pierre de taille ou du moellon. Au reste, le roc vif et le granit sont une seule et même substance ; mais j’ai cru devoir employer les deux dénominations, parce qu’il y a bien des gens qui en font deux matières différentes. Il en est de même des cailloux et des grès en grande masse : je les regarde comme des espèces de rocs vifs ou de granits, et je les appelle cailloux en grande masse, parce qu’ils sont disposés, comme la pierre calcinable, par couches, et pour les distinguer des cailloux et des grès que j’appelle en petites masses, qui sont les cailloux ronds et les grès que l’on trouve à la chasse, comme disent les ouvriers, c’est-à-dire les grès dont les bancs n’ont pas de suite et ne forment pas de carrières continues et qui aient une certaine étendue ; ces grès et ces cailloux sont d’une formation plus nouvelle, et n’ont pas la même origine que les cailloux et les grès en grande masse, qui sont disposés par couches. J’entends par la dénomination d’ardoise, non seulement l’ardoise bleue que tout le monde connaît, mais les ardoises blanches, grises, rougeâtres et tous les schistes ; ces matières se trouvent ordinairement au-dessous de l’argile feuilletée et semblent n’être en

  1. Le charbon de terre ne doit pas le moins du monde son origine « au sable et à l’argile. » Il est formé de végétaux qui ont pourri lentement et se sont transformés dans le sol.