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resserrée successivement jusqu’à ses limites actuelles : ce qui peut avoir eu lieu par des causes semblables à celle qui fit briller du plus vif éclat, pendant plusieurs mois, la fameuse étoile que l’on vit tout à coup, en 1572, dans la constellation de Cassiopée.

» La grande excentricité des orbes des comètes conduit au même résultat. Elle indique évidemment la disparition d’un grand nombre d’orbes moins excentriques : ce qui suppose autour du soleil une atmosphère qui s’est étendue au delà du périhélie des comètes observables et qui, en détruisant les mouvements de celles qui l’ont traversée pendant la durée de sa grande étendue, les a réunies au soleil. Alors, on voit qu’il ne doit exister présentement que les comètes qui étaient au delà, dans cet intervalle ; et, comme nous ne pouvons observer que celles qui approchent assez près du soleil, dans leur périhélie, leurs orbes doivent être fort excentriques. Mais, en même temps, on voit que leurs inclinaisons doivent offrir les mêmes inégalités que si ces corps ont été lancés au hasard ; puisque l’atmosphère solaire n’a point influé sur leurs mouvements. Ainsi, la longue durée des révolutions des comètes, la grande excentricité de leurs orbes et la variété de leurs inclinaisons s’expliquent très naturellement au moyen de cette atmosphère.

» Mais comment a-t-elle déterminé les mouvements de révolution et de rotation des planètes ? Si ces corps avaient pénétré dans ce fluide, sa résistance les aurait fait tomber sur le soleil ; on peut donc conjecturer qu’ils ont été formés aux limites successives de cette atmosphère, par la condensation des zones qu’elle a dû abandonner dans le plan de son équateur, en se refroidissant et en se condensant à la surface de cet astre, comme on l’a vu dans le livre précédent. On peut conjecturer encore que les satellites ont été formés d’une manière semblable par les atmosphères des planètes. Les cinq phénomènes exposés ci-dessus découlent naturellement de ces hypothèses, auxquelles les anneaux de Saturne ajoutent un nouveau degré de vraisemblance.

» Quoi qu’il en soit de cette origine du système planétaire, que je présente avec la défiance que doit inspirer tout ce qui n’est point un résultat de l’observation ou du calcul ; il est certain que ses éléments sont ordonnés de manière qu’il doit jouir de la plus grande stabilité, si des causes étrangères ne viennent point la troubler. Par cela seul que les mouvements des planètes et des satellites sont presque circulaires, et dirigés dans le même sens et dans des plans peu différents, ce système ne fait qu’osciller autour d’un état moyen, dont il ne s’écarte jamais que de quantités très petites ; les moyens mouvements de rotation et de révolution de ses différents corps sont uniformes, et leurs distances moyennes aux foyers des forces principales qui les animent sont constantes. Il semble que la nature ait tout disposé dans le ciel pour assurer la durée de ce système, par des vues semblables à celles qu’elle nous paraît suivre si admirablement sur la terre, pour la conservation des individus et la perpétuité des espèces. »