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au centre et s’aplatir au niveau des pôles. C’est un point sur lequel nous aurons à revenir plus bas.

Faut-il ne voir dans cette histoire de l’évolution du monde solaire qu’une simple légende sans fondements ? ou bien, au contraire, est-elle appuyée sur des documents assez sérieux pour qu’on doive y ajouter foi ?

C’est cette dernière opinion qui a prévalu parmi les astronomes ; on invoque, en faveur de la théorie de Laplace, qu’elle est en parfait accord avec les données de la mécanique générale, qu’elle explique d’une façon aussi complète qu’il est possible de le désirer, la direction et la rapidité des mouvements des planètes, leurs rapports avec le soleil, entre elles et avec leurs satellites, et qu’elle se trouve confirmée par tous les faits que la physique et l’astronomie nous ont révélés et nous révèlent encore chaque jour, ou, plutôt, qu’elle permet d’expliquer tous ces faits et de les relier les uns aux autres. Ajoutons qu’il nous est permis d’observer directement, dans l’immensité du ciel, les phases primitives de l’évolution du monde solaire décrites par Laplace, et que la théorie de ce savant astronome est applicable non seulement à notre système planétaire, mais encore à l’univers tout entier. Ce dernier caractère constitue le plus grand de ses mérites ; elle y trouve la plus importante peut-être des nombreuses probabilités qu’elle présente.

Je crois intéressant, au point de vue de l’histoire de la science, de placer ici sous les yeux du lecteur, l’exposé fait par Laplace lui-même de la théorie que je viens de résumer :

« On a, dit-il[1], pour remonter à la cause des mouvements primitifs du système planétaire, les cinq phénomènes suivants : 1o les mouvements des planètes dans le même sens et à peu près dans un même plan ; 2o les mouvements des satellites dans le même sens, à peu près dans le même plan que ceux des planètes ; 3o les mouvements de rotation de ces différents corps et du soleil dans le même sens que leurs mouvements de projection et dans des plans peu différents ; 4o le peu d’excentricité des orbes des planètes et des satellites ; 5o enfin la grande excentricité des orbes des comètes, quoique leurs inclinaisons aient été abandonnées au hasard.

» Quelle que soit la nature de la cause qui a produit les phénomènes ci-dessus, ou dirigé les mouvements des planètes et des satellites, il faut qu’elle ait embrassé tous ces corps ; et, vu la distance prodigieuse qui les sépare, elle ne peut avoir été qu’un fluide d’une immense étendue. Pour leur avoir donné dans le même sens un mouvement presque circulaire autour du soleil, il faut que ce fluide ait environné cet astre, comme une atmosphère. La considération des mouvements planétaires nous conduit donc à penser que en vertu d’une chaleur excessive, l’atmosphère du soleil s’est primitivement étendue au delà des orbes de toutes les planètes et qu’elle s’est

  1. Exposition du système du monde, édit. de l’an IV, t. II, p. 278-301.