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Il est vrai qu’un torrent de matière, chassé du soleil, ne peut pas être exactement comparé à un globe qui rase sa surface ; l’impulsion que les parties de ce torrent reçoivent les unes des autres, l’attraction réciproque qu’elles exercent entre elles, peut, en changeant la direction de leurs mouvements, éloigner leurs périhélies du soleil. Mais leurs orbes devraient toujours être fort excentriques, ou du moins il faudrait le hasard le plus extraordinaire pour leur donner d’aussi petites excentricités que celles des orbes planétaires. Enfin, on ne voit pas, dans l’hypothèse de Buffon, pourquoi les orbes d’environ quatre-vingts comètes déjà observées sont tous fort allongés. Cette hypothèse est donc très éloignée de satisfaire aux phénomènes précédents. Voyons s’il est possible de s’élever à leur véritable cause. »

On peut faire à l’hypothèse de Buffon une objection bien plus grave, à mon avis, que toutes celles qui lui ont été adressées, c’est qu’elle n’explique qu’un fait particulier et qu’elle nous laisse dans la nécessité de chercher d’autres hypothèses pour expliquer la formation du soleil, celle des étoiles, et enfin celle des comètes elles-mêmes. Or, plus une hypothèse est particulière, moins sont nombreux les faits dont elle rend compte, et moins elle doit être considérée comme probable. Les efforts de la science moderne tendent, avec raison, à expliquer les phénomènes naturels, par des causes à la fois aussi générales et aussi simples que possible.

Parmi celles que l’on invoque pour expliquer la formation des planètes, il en est une qui paraît réunir toutes les conditions de la certitude, parce qu’elle est de nature à rendre compte, non seulement de la formation de ces astres, mais encore de celle du monde solaire tout entier et des innombrables mondes stellaires qui peuplent l’immensité de l’univers.

Théorie de Laplace. Émise en premier lieu par Laplace, cette « théorie de l’univers » est aujourd’hui adoptée par la grande majorité des astronomes ; ceux mêmes qui se refusent à la considérer comme absolument vraie reconnaissent qu’elle est plus apte que toute autre à expliquer la formation et l’évolution des mondes.

D’après cette théorie, à une époque de l’histoire du système solaire si reculée que notre imagination est presque impuissante à concevoir le nombre d’années qui nous en séparent, toutes les parties de ce vaste ensemble étaient confondus en une masse unique de substance vaporeuse, homogène, occupant tout l’espace que limitent aujourd’hui idéalement les plans des orbites planétaires. Cette immense nébuleuse avait comme diamètre celui de l’orbite la plus reculée de nos planètes, Neptune, et comme épaisseur l’espace que limitent les plans orbitaires les plus écartés. Neptune étant situé à 1 milliard 110 millions de lieues du soleil, et son orbite étant presque circulaire, le diamètre de cette dernière est donc au minimum de 2 milliard 220 millions de lieues, ce qui donne pour la surface totale de l’orbite de Neptune une étendue tellement considérable que les nombres seuls peuvent nous en donner