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l’obliquité nécessaire du choc et surtout il faudrait que les comètes eussent une densité et une masse suffisantes pour produire l’effet imaginé par Buffon. Or, l’opinion la plus probable est que le noyau des comètes, c’est-à-dire leur partie la plus dense, est formé de corpuscules, solides peut-être, il est vrai, mais relativement peu volumineux et ne formant pas une masse continue, mais étant plus ou moins écartés les uns des autres. Le noyau des comètes, en un mot, serait, d’après cette manière de voir, des astres en poussière et non des masses compactes. Leur rencontre avec le soleil n’aurait donc probablement d’autre résultat que de fournir à ce colossal foyer de chaleur de nouveaux éléments de combustion.

Critique du système de Buffon par Laplace. La critique la plus complète et la plus sérieuse qui ait été faite de l’hypothèse de Buffon est due à l’illustre astronome Laplace. Je crois utile de la reproduire ici intégralement :

« Buffon, dit-il[1], est le seul que je connaisse, qui, depuis la découverte du vrai système du monde, ait essayé de remonter à l’origine des planètes et des satellites. Il suppose qu’une comète, en tombant sur le soleil, en a chassé un torrent de matière qui s’est réunie au loin, en divers globes plus ou moins grands et plus ou moins éloignés de cet astre. Ces globes sont les planètes et les satellites qui, par leur refroidissement, sont devenus opaques et solides.

» Cette hypothèse satisfait aux premiers des cinq phénomènes précédents ; car il est clair que tous les corps ainsi formés doivent se mouvoir à peu près dans le plan qui passait par le centre du soleil et par la direction du torrent de matière qui les a produits. Les quatre autres phénomènes me paraissent inexplicables par son moyen. À la vérité, le mouvement absolu des molécules d’une planète doit être alors dirigé dans le sens du mouvement de son centre de gravité ; mais il ne s’ensuit point que le mouvement de rotation de la planète soit dirigé dans le même sens ; ainsi, la terre pourrait tourner d’orient en occident et, cependant, le mouvement absolu de chacune de ses molécules serait dirigé d’occident en orient. Ce que je dis du mouvement de rotation des planètes s’applique au mouvement de révolution des satellites, dont la direction, dans l’hypothèse dont il s’agit, n’est pas nécessairement la même que celle du mouvement de projection des planètes.

» Le peu d’excentricité des orbes planétaires est non seulement très difficile à expliquer dans cette hypothèse ; mais ce phénomène lui est contraire. On sait, par la théorie des forces centrales, que si un corps, mû dans un orbe rentrant autour du soleil, rase la surface de cet astre, il y reviendra constamment à chacune de ses révolutions ; d’où il suit que, si les planètes avaient été primitivement détachées du soleil, elles le toucheraient à chaque révolution, et leurs orbes, loin d’être circulaires, seraient fort excentriques.

  1. Exposition du système du monde, édit. de l’an IV, t. II, p. 298.