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avec une égale netteté et comme une hypothèse réunissant, à son avis, toutes les probabilités.

« Je conviens, écrit-il alors[1], que les idées de ce système peuvent paraître hypothétiques, étranges et même chimériques à tous ceux qui, ne jugeant les choses que par le rapport de leurs sens, n’ont jamais conçu comment on sait que la terre n’est qu’une petite planète, renflée sur l’équateur et abaissée sous les pôles, à ceux qui ignorent comment on s’est assuré que tous les corps célestes pèsent, agissent et réagissent les uns sur les autres, comment on a pu mesurer leur grandeur, leur distance, leurs mouvements, leur pesanteur, etc. ; mais je suis persuadé que ces mêmes idées paraîtront simples, naturelles et même grandes au petit nombre de ceux qui, par des observations et des réflexions suivies, sont parvenus à connaître les lois de l’univers, et qui, jugeant des choses par leurs propres lumières, les voient sans préjugé telles qu’elles sont, ou telles qu’elles pourraient être : car ces deux points de vue sont à peu près les mêmes ; et celui qui regardant une horloge pour la première fois dirait que le principe de tous ses mouvements est un ressort, quoique ce fût un poids, ne se tromperait que pour le vulgaire, et aurait aux yeux du philosophe expliqué la machine.

» Ce n’est donc pas que j’aie affirmé ni même positivement prétendu que notre terre et les planètes aient été formées nécessairement et réellement par le choc d’une comète qui a projeté hors du soleil la six cent cinquantième partie de sa masse ; mais ce que j’ai voulu faire entendre, et ce que je maintiens encore comme hypothèse très probable, c’est qu’une comète qui, dans son périhélie, approcherait assez près du soleil pour en effleurer et sillonner la surface, pourrait produire de pareils effets, et qu’il n’est pas impossible qu’il se forme quelque jour de cette même manière des planètes nouvelles qui toutes circuleraient ensemble, comme les planètes actuelles, dans le même sens et presque dans un même plan, autour du soleil ; des planètes qui tourneraient aussi sur elles-mêmes, et dont la matière étant, au sortir du soleil, dans un état de liquéfaction, obéirait à la force centrifuge et s’élèverait à l’équateur en s’abaissant sous les pôles ; des planètes qui pourraient de même avoir des satellites en plus ou moins grand nombre, circulant autour d’elles dans le plan de leurs équateurs ; et dont les mouvements seraient semblables à ceux des satellites de nos planètes : en sorte que tous les phénomènes de ces planètes possibles et idéales seraient (je ne dis pas les mêmes), mais dans le même ordre et dans des rapports semblables à ceux des phénomènes des planètes réelles. Et pour preuve, je demande seulement que l’on considère si le mouvement de toutes les planètes, dans le même sens et presque dans le même plan, ne suppose pas une impulsion commune ? Je demande s’il y a dans l’univers quelques corps,

  1. Époques de la nature, t. II, p. 30.