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fiés et refroidis par rayonnement dans l’espace. Mais ni lui ni les adeptes de sa manière de voir ne s’étaient préoccupés de savoir ni comment s’étaient formés ni d’où provenaient tous ces soleils. C’est cette lacune de la théorie de Leibnitz que Buffon s’efforce de combler dans son mémoire sur la formation des planètes.

Système de Buffon. Buffon admet avec Leibnitz que les planètes ont été d’abord fluides, incandescentes et lumineuses ; mais, allant beaucoup plus loin que le philosophe allemand, il démontre qu’elles doivent être issues du soleil, autour duquel elles se meuvent, et il émet l’hypothèse qu’elles ne sont que des parcelles de cet astre détachées par le choc oblique d’une comète. « Ne peut-on pas, dit-il[1], imaginer, avec quelque sorte de vraisemblance, qu’une comète, tombant sur la surface du soleil, aura déplacé cet astre et qu’elle en aura séparé quelques petites parties auxquelles elle aura communiqué un mouvement d’impulsion dans le même sens et par un même choc, en sorte que les planètes auraient autrefois appartenu au corps du soleil, et qu’elles en auraient été détachées par une force impulsive commune à toutes, qu’elles conservent encore aujourd’hui ? Cela me paraît au moins ainsi probable que l’opinion de M. Leibnitz, qui prétend que les planètes et la terre ont été des soleils, et je crois que son système aurait acquis un grand degré de généralité et un peu plus de probabilité, s’il se fût élevé à cette idée. » Dans une addition à cet article, il dit encore[2] : « La matière des planètes, au sortir du soleil, était aussi lumineuse que la matière même de cet astre ; et les planètes ne sont devenues opaques, ou pour mieux dire obscures, que quand leur état d’incandescence a cessé. Comme le torrent de la matière projetée par la comète hors du corps du soleil a traversé l’immense atmosphère de cet astre, il en a entraîné les parties volatiles, aériennes et aqueuses, qui forment aujourd’hui les atmosphères et les mers des planètes. Ainsi, l’on peut dire qu’à tous égards la matière dont sont composées les planètes est la même que celle du soleil, et qu’il n’y a d’autre différence que par le degré de chaleur, extrême dans le soleil, et plus ou moins attiédie dans les planètes, suivant le rapport composé de leur épaisseur et de leur densité. »

Les arguments sur lesquels Buffon appuie sa théorie sont les suivants :

1o « La direction commune de leur mouvement d’impulsion qui fait que les six planètes vont toutes d’occident en orient : il y a 64 à parier contre 1 qu’elles n’auraient pas eu ce mouvement dans le même sens, si la même cause ne l’avait pas produit, ce qu’il est aisé de prouver par la doctrine des hasards[3]. »

2o « L’inclinaison des orbites n’excède pas 7 degrés et demi ; car, en comparant les espaces, on trouve qu’il y a 24 contre 1 pour que deux planètes se

  1. Preuves de la théorie de la terre ; art. Ier, De la formation des planètes, t. Ier, p. 69.
  2. Ibid., t. Ier, p. 248.
  3. Ibid., t. Ier, p. 69