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« Une mort subite vint arrêter l’œuvre réparatrice entreprise par Dufay. Sa survivance était promise à Duhamel-Dumonceau. Pendant la maladie de Dufay, Duhamel était hors de France : il faisait en Angleterre des expériences sur les bois de construction ; mais les deux de Jussieu, fort de ses amis, avaient pris soin de s’assurer près de Dufay qu’il n’avait pas oublié ses engagements envers son confrère absent. En une heure, tout changea. Hellot, de l’Académie des sciences, sachant que Buffon désirait cette place, alla trouver Dufay mourant. Dufay et Buffon avaient eu ensemble des démêlés scientifiques, et il y avait un successeur désigné. Mais Hellot ne se décourage pas, apporte, rédigée d’avance, une lettre par laquelle Dufay, revenant sur sa décision, désigne Buffon pour son successeur : « Lui seul, lui avait dit Hellot, est capable de continuer votre œuvre ; éteignez tout sentiment de rivalité, et demandez cet ancien ami pour votre successeur. » Dufay signa, et, lorsque M. de Denainvillers, frère de Duhamel-Dumonceau, alla rappeler sa parole au ministre, M. de Maurepas lui répondit que son frère aurait une compensation. Buffon fut intendant du Jardin du Roi, et, à son retour d’Angleterre, Duhamel-Dumonceau fut nommé inspecteur général de la marine. »

À partir de ce jour, la vie de Buffon change complètement. Quelque temps auparavant (le 23 juillet 1739), il écrivait à M. Hellot : « Je savais déjà la mort du pauvre Dufay, qui m’avait véritablement affligé. Nous perdons beaucoup à l’Académie ; car, outre l’honneur qu’il faisait au corps par son mérite, il était si fort répandu dans le monde et à la cour qu’il obtenait bien des choses étonnantes pour le Jardin du Roi, et je vous avoue qu’il l’a mis sur un si bon pied, qu’il y aurait grand plaisir à lui succéder dans cette place ; mais je m’imagine qu’elle sera bien convoitée. Quand j’aurais plus de raisons d’y prétendre qu’un autre, je me donnerais bien garde de la demander ; je connais assez M. de Maurepas, et j’en suis assez connu, pour qu’il me la donne sans sollicitations. Je prierai mes amis de parler pour moi, de dire hautement que je conviens à cette place ; c’est tout ce que j’ai de raisonnable à faire quant à présent. À l’égard de ce que vous me dites, que M. de Maurepas est déterminé à conserver le Jardin du Roi dans l’Académie, je n’ai pas de peine à le croire ; mais, quand même il n’aurait pas pris en guignon Maupertuis, je ne crois pas qu’il lui donnât cette place. Mais il y a d’autres gens à l’Académie. Marquez-moi si vous entendez nommer quelqu’un ; en un mot, dites-moi tout ce que vous saurez. Vous pourrez bien lâcher quelques mots des vœux de M. le comte de Caylus à M. de Maurepas. Il y a des choses pour moi ; mais il y en a bien contre, et surtout mon âge ; et cependant, si on faisait réflexion, on sentirait que l’intendance du Jardin du Roi demande un jeune homme actif, qui puisse braver le soleil, qui se connaisse en plantes et qui sache la manière de les multiplier, qui soit un peu connaisseur de tous les genres qu’on