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struction des animaux et des végétaux. Il est vrai qu’il met l’efficace de l’attraction à la place du hasard d’Épicure ; mais les matérialistes ne trouvent pas mauvais qu’il ait apporté cette modification au système de leur maître. La merveille de la nature, dans son système, c’est qu’on ne voie pas de grands animaux sortis d’une motte de terre, ou du bouton d’un arbre fruitier. Pour les insectes, rien n’est moins rare que leur formation fortuite. Et quant au reste de l’univers, la construction en est si simple, qu’on dirait qu’il n’est point nécessaire que Dieu y intervienne… Enfin, tandis que d’autres auteurs savent nous élever au Créateur en nous amusant de l’histoire d’un insecte, M. de Buffon nous le laisse à peine apercevoir en nous expliquant la fabrique de l’univers… Il est à craindre que les matérialistes ne prétendent encore tirer de grands avantages du peu de morale que M. de Buffon débite, et surtout des caractères qu’il donne aux vérités que comprend la science des mœurs… Après tout cela, je ne vois pas qu’on doive être surpris que les matérialistes prétendent avoir des droits sur la nouvelle Histoire naturelle. Que pouvons-nous répondre à ces messieurs ? Un seul mot, mais qui me dit tout, ce me semble : c’est qu’un honnête homme est encore moins capable de se déguiser sur ce qui regarde la religion que sur toute autre chose ; que M. de Buffon fait profession de croire la révélation, mais qu’il l’oublie souvent dans ses méditations physiques. C’est à quoi se réduit toute l’apologie que je puis faire en sa faveur, et c’est, suivant toutes les apparences, ce qu’il dirait lui-même pour sa justification. »

Je ne veux pas insister davantage et je m’empresse de revenir à la partie scientifique de la vie de Buffon.

Ainsi que je l’ai dit plus haut, Buffon fut élu membre adjoint de l’Académie des sciences à l’âge de vingt-six ans, n’ayant encore publié que quelques mémoires sur des questions de mathématiques. Il aurait pu à juste titre s’étonner de la rapidité de ses succès, s’il n’avait pas appartenu à une classe dans laquelle l’Académie était particulièrement heureuse de recruter des sociétaires.

Quelques années plus tard, il fut nommé membre titulaire de l’Académie des sciences ; mais il abandonna la section de mécanique pour passer dans celle de botanique, soit en souvenir de ses études de botanique à Angers avec Berthelot du Paty, soit pour préparer sa candidature à la surintendance du Jardin du Roi. Cette importante charge avait été pendant longtemps attachée au titre de médecin du roi ; mais elle avait été si mal remplie par plusieurs de ces médecins qu’on s’était enfin décidé à la leur retirer pour la confier à un savant. Le premier des surintendants nommés dans ces conditions fut Dufay, savant de mérite, membre de l’Académie des sciences, adonné à la culture de toutes les branches du savoir humain, à la fois chimiste, physicien et naturaliste. M. Nadault de Buffon rapporte de la manière suivante l’histoire de la nomination de Buffon à la surintendance du Jardin du Roi :