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n’altère rien aux plans qui lui ont été tracés, et dans tous ses ouvrages elle présente le sceau de l’Éternel ; cette empreinte divine, prototype inaltérable des existences, est le modèle sur lequel elle opère, modèle dont tous les traits sont imprimés en caractères ineffaçables et prononcés pour jamais ; modèle toujours neuf, que le nombre des moules ou des copies, quelque infini qu’il soit, ne fait que renouveler.

» Tout a donc été créé, et rien encore ne s’est anéanti ; la nature balance entre ces deux limites sans jamais approcher ni de l’une ni de l’autre : tâchons de la saisir dans quelques points de cet espace immense qu’elle remplit et parcourt depuis l’origine des siècles. »

Quelque profondément religieuses que fussent ses idées, elles n’en subirent pas moins les menaces des théologiens. Après la publication de l’Histoire de la terre, la Sorbonne menaça le naturaliste de prononcer la censure contre son livre, s’il ne rétractait pas un certain nombre de propositions contraires au dogme catholique et aux Écritures. Pour donner une juste idée de l’intolérance de la Sorbonne, il suffit de rappeler qu’elle lui reprochait d’avoir dit que les planètes avaient fait partie du soleil, que le soleil s’éteindrait probablement faute de combustible, qu’au sortir du soleil la terre était brûlante, qu’il y a plusieurs espèces de vérités, etc. Buffon se soumit, dans l’intérêt de son œuvre et pour assurer sa tranquillité. En tête du IVe volume de l’Histoire naturelle, il publia les propositions incriminées par la Sorbonne, et les fit suivre de réponses aussi banales que vagues dont les théologiens eurent le bon esprit de se contenter. Le président de Brosses dit à ce sujet, dans sa correspondance : « Buffon sort d’ici ; il m’a donné la clef du quatrième volume, sur la manière dont doivent être entendues les choses dites pour la Sorbonne. » Ce mot indique bien le peu d’importance que Buffon attachait à ses rétractations. Avant tout, il voulait conserver son repos.

Dans les Époques de la nature, il prit ses précautions à l’avance, en s’efforçant de démontrer lui-même que son histoire du globe terrestre n’était pas contradictoire de celle qui est contenue dans la Genèse. Précaution inutile ; un certain abbé Ribalier dénonça le livre à la Sorbonne et des poursuites furent commencées par les docteurs ; « mais, dit Bachaumont dans ses Mémoires, vu la vieillesse de l’auteur, vu la considération dont il jouit, vu la protection de la cour, vu l’espèce d’hommage qu’il a rendu au dogme par des tournures dont ils ne sont point dupes, ils ont cru devoir fermer les yeux sur ce nouvel attentat contre la foi, et regarder le système du philosophe comme un radotage de sa vieillesse ; en conséquence, sans aucune approbation du livre, il ne sera donné aucune suite à la censure. »

Cependant un grand nombre de propositions des Époques de la nature avaient été incriminées par la Sorbonne, et Buffon avait fait préparer une réponse par l’abbé Bexon. Les propositions et la réponse ont été publiées par Flourens dans son excellente étude sur les Manuscrits de Buffon. Je dois