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des formes extérieures ; Von Baer étudie l’œuf des animaux supérieurs et son développement dans un certain nombre d’espèces, tandis que Mirbel observe la formation de l’embryon des végétaux. Cuvier, après avoir poussé loin l’anatomie des vertébrés, reconstitue des espèces animales dont les couches du sol avaient jusqu’alors dissimulé les restes. Toutes ces études mettent en lumière « l’unité de plan » signalée par Buffon un demi-siècle auparavant. Dès le début de notre siècle, il n’était plus permis de nier que tous les animaux pourvus de vertèbres ne fussent construits sur un plan identique, et que les invertébrés ne répondissent à un second modèle. Bientôt même Geoffroy Saint-Hilaire mettait en relief les ressemblances déjà soupçonnées et signalées par Lamarck entre les vertébrés et les invertébrés.

Mouvement rétrograde provoqué en France par Cuvier. Il semblait que les idées de Buffon, de Lamarck, de Gœthe étaient destinées à ne plus trouver de contradicteurs. Il n’en fut pas ainsi cependant, du moins en France. Tandis que la théorie de l’évolution gagnait rapidement autour de nous, en Allemagne et en Angleterre surtout, elle était, en France, l’objet d’attaques aussi passionnées que puissantes.

Cuvier sut si bien faire le silence autour des grandes idées émises par Buffon et Lamarck que le second mourait pauvre et inconnu, tandis que le premier passait aux yeux de tous pour un simple « phrasier ». Cuvier, grâce à sa haute situation politique, imposait à la science française le dogme de l’immutabilité des espèces et imaginait lui-même celui des révolutions brusques du monde. Comme il ne pouvait pas nier les analogies de structure révélées, mises hors de doute par les études d’anatomie comparée, il tentait du moins de leur imposer des limites infranchissables. Nier que tous les vertébrés ont des traits communs d’organisation, sont construits sur un même type, étant chose impossible, Cuvier admettait un embranchement des vertèbres, entre lesquels il ne contestait pas qu’on établît des « analogies », le mot était alors fort à la mode. La même ressemblance existant entre tous les articulés (insectes, crustacés, arachnides), il autorisait encore qu’on étudiât entre eux des « analogies ». La même concession était faite pour tous les animaux à structure asymétrique (mollusques) et pour tous ceux qui ont une symétrie radiée ou une grande simplicité d’organisation (rayonnés). Il divisait donc tout le règne animal en quatre grands groupes ou embranchements (vertébrés, mollusques, articulés, rayonnés), entre lesquels il élevait une barrière infranchissable. Il est presque inutile de rappeler qu’il considérait les espèces constituantes de chaque embranchement comme immuables ; mais il admettait que toutes celles d’un même groupe avaient été créées en même temps, étaient le fruit d’une conception unique du créateur.

Geoffroy Saint-Hilaire. Geoffroy Saint-Hilaire, au contraire, s’attachait à montrer que certaines analogies de structure existent chez tous les animaux à quelque embran-