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d’organisation des êtres vivants, est un fait incontestable sur lequel j’insiste, parce que sa connaissance jette actuellement le plus grand jour sur l’ordre naturel des êtres vivants, et en même temps soutient et guide la pensée qui les embrasse tous par l’imagination ou qui les fixe dans leur véritable point de vue, en les considérant chacun en particulier.

» À cette vue extrêmement intéressante, il faut ajouter celle qui nous apprend qu’à mesure que l’organisation animale se complique, c’est-à-dire devient plus composée, à mesure, de même les facultés animales se multiplient et deviennent plus nombreuses, ce qui en est un résultat simple et naturel. Mais aussi en se multipliant, les facultés animales perdent en quelque sorte de leur étendue, c’est-à-dire que dans les animaux qui ont le plus de facultés, celles de ces facultés qui sont communes à tous les animaux y ont bien plus d’étendue et de capacité qu’elles n’en ont dans les animaux à organisation plus simple. Voilà ce que l’observation nous apprend et ce qu’il était important de remarquer. Ainsi la faculté de se régénérer se rencontrant dans tous les animaux, quelle que soit la simplification ou la complication de leur organisation, leurs moyens de multiplication sont d’autant plus nombreux et plus faciles, que les animaux ont une organisation plus simple, et vice versa (réciproquement).

» Dans les insectes, et bien plus encore dans les vers proprement dits, et surtout dans les polypes, les facultés de l’animalité sont à la vérité moins nombreuses que dans les animaux des premières classes, qui sont les plus parfaits ; mais elles y sont bien plus étendues : car l’irritabilité y est plus grande, plus durable ; la faculté de régénérer les parties plus facile, et celle de multiplier les individus bien plus considérable. Aussi la place que les animaux sans vertèbres tiennent dans la nature est-elle immense et de beaucoup supérieure à celle de tous les autres animaux réunis.

» On ne sait quel est le terme de l’échelle animale vers l’extrémité qui comprend les animaux les plus simplement organisés. On ignore aussi nécessairement le terme de la petitesse de ces animaux, mais on peut assurer que plus on descend vers cette extrémité de l’échelle animale, plus le nombre des individus de chaque espèce est immense, parce que leur régénération est proportionnellement plus prompte et plus facile. Aussi le nombre de ces animaux est inappréciable, et n’a d’autre borne que celle que la nature y met par le temps, les lieux et les circonstances[1].

» Cette facilité, cette abondance, enfin cette promptitude avec laquelle la nature produit, multiplie et propage les animaux les plus simplement organisés, se fait régulièrement remarquer dans les temps et dans tous les lieux qui y sont favorables.

  1. Quel point de vue pour juger de la nature ! Elle n’a sûrement pas dans ses productions procédé du plus composé, au plus simple. Qu’on juge donc de ce qu’avec le temps et les circonstances elle a pu opérer. (Note de Lamarck.)