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pèce au second degré. Et, par la même raison, le mulet et la mule produiront moins aisément entre eux qu’avec la jument ou avec l’âne, parce que leur parenté d’espèce n’est qu’au troisième degré, tandis qu’entre eux elle est au quatrième ; l’infécondité qui commence à se manifester ici dès le second degré doit être plus marquée au troisième, et si grande au quatrième qu’elle est peut-être absolue. »

Les hybrides des espèces les plus fécondes sont eux-mêmes plus féconds. En résumé, Buffon admet d’abord que les hybrides des espèces les plus fécondes doivent eux-mêmes être plus féconds que ceux des espèces les moins fécondes ; les petites espèces animales étant plus fécondes que les grandes, leurs hybrides doivent donc être plus féconds. Cette opinion paraît être vérifiée par la facilité avec laquelle on obtient des hybrides féconds d’oiseaux et de rongeurs, qui sont très féconds, tandis qu’on n’obtient que difficilement des grands mammifères.

Explication de ce fait. S’il m’était permis de formuler une explication hypothétique de ce fait, je ferais remarquer que dans les espèces très prolifiques les caractères spécifiques sont beaucoup moins marqués que dans les autres, en raison même du nombre d’individus auxquels une femelle peut donner naissance avec des mâles différents. On sait, en effet, que l’action du mâle sur la femelle n’est pas limitée aux produits qui suivent cette action, mais qu’il s’étend à ceux qu’elle pourra donner avec un autre mâle. Donc, plus une femelle donne de petits et plus sont nombreux les mâles qui la couvrent, plus aussi seront nombreuses les variations de l’espèce, moins, par conséquent, cette espèce sera fixe. Or, nous savons que la fécondation donne de meilleurs produits, j’entends des produits plus prolifiques, quand elle a lieu entre individus appartenant à des familles et même à des races différentes. Si ce raisonnement est juste, on comprend fort bien que, comme le dit Buffon, plus les espèces pures sont prolifiques et plus, en vertu de l’hérédité, leurs hybrides doivent avoir de chances de l’être.

Quoi qu’il en soit, ce qui précède prouve amplement que Buffon croyait à la possibilité de faire des espèces par le croisement de deux espèces plus ou moins voisines, de même qu’il croyait à la production d’espèces nouvelles par transformation d’espèces anciennes, sous l’influence du climat, de la nourriture, etc. Il fait, il est vrai, remarquer que dans la nature la formation d’espèces par croisement doit être rare, parce que les croisements eux-mêmes le sont nécessairement. Ainsi qu’il le dit, « ce n’est qu’au défaut de sa femelle naturelle qu’un animal, de quelque espèce qu’il soit, recherchera une autre femelle moins convenable pour lui, et à laquelle il conviendrait moins aussi que son mâle naturel ».

Causes des variations des animaux sauvages d’après Buffon. On peut donc déduire de tout ce que nous avons dit déjà relativement aux variations des animaux sauvages, que Buffon attribue à peu près exclusivement ces variations à l’action du climat, de la nourriture et des autres conditions que l’on peut réunir sous le nom de « milieu extérieur ».