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de la chienne, elles ont tout le temps de se calmer pendant la longue durée du temps qui se passe entre l’acte consommé et la retraite du mâle, qui ne peut se séparer tant que subsiste le gonflement et l’irritation des parties ; il en est de même de la chatte, qui, de toutes les femelles, paraît être la plus ardente, puisqu’elle appelle ses mâles par des cris lamentables d’amour qui annoncent le plus pressant besoin, mais c’est comme pour le chien par une autre raison de conformation dans le mâle que cette femelle si ardente ne manque jamais de concevoir ; son plaisir très vif dans l’accouplement est nécessairement mêlé d’une douleur presque aussi vive. Le gland du chat est hérissé d’épines plus grosses et plus poignantes que celles de sa langue, qui, comme l’on sait, est rude au point d’offenser la peau ; dès lors l’intromission ne peut être que fort douloureuse pour la femelle, qui s’en plaint et l’annonce hautement par des cris encore plus perçants que les premiers ; la douleur est si vive que la chatte fait en ce moment tous ses efforts pour échapper, et le chat pour la retenir est forcé de la saisir sur le cou avec ses dents et de contraindre et soumettre ainsi par la force cette même femelle amenée par l’amour. »

Il essaie ensuite, à l’aide des faits ou des idées précédentes, d’expliquer l’inégalité de fécondité des hybrides qu’il nomme espèces mixtes pour bien montrer qu’il les considère comme de véritables espèces. Après avoir dit que cette fécondité est toujours moindre que celle des espèces pures, il ajoute : « On en verra clairement la raison par une simple supposition. Que l’on supprime, par exemple, tous les mâles dans l’espèce du cheval et toutes les femelles dans celle de l’âne, ou bien tous les mâles dans l’espèce de l’âne, et toutes les femelles dans celle du cheval, il ne naîtra plus que des animaux mixtes, que nous avons appelés mulets et bardots, et ils naîtront en moindre nombre que les chevaux ou les ânes, puisqu’il y a moins de convenances, moins de rapports de nature entre le cheval et l’ânesse ou l’âne et la jument qu’entre l’âne et l’ânesse ou le cheval et la jument. Dans le réel, c’est le nombre des convenances ou des disconvenances qui constitue ou sépare les espèces, et puisque celle de l’âne se trouve de tout temps séparée de celle du cheval, il est clair qu’en mêlant ces deux espèces, soit par les mâles, soit par les femelles, on diminue le nombre des convenances qui constituent l’espèce. Donc les mâles engendreront et les femelles produiront plus difficilement, plus rarement en conséquence de leur mélange ; et même ces espèces mélangées ne produiraient point du tout si leurs disconvenances étaient un peu plus grandes. Les mulets de toute sorte seront donc toujours rares dans l’état de nature, car ce n’est qu’au défaut de sa femelle naturelle qu’un animal de quelque espèce qu’il soit recherchera une autre femelle moins convenable pour lui, et à laquelle il conviendrait moins aussi que son mâle naturel. Et quand même ces deux animaux d’espèces différentes s’approcheraient sans répugnance et se joindraient avec quelque empressement