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» Dans les animaux domestiques soignés et bien nourris, la multiplication est plus grande que dans les animaux sauvages : on le voit par l’exemple des chats et des chiens, qui produisent dans nos maisons plusieurs fois par an, tandis que le chat sauvage et le chien abandonné à la seule nature ne produisent qu’une seule fois chaque année. On le voit encore mieux par l’exemple des oiseaux domestiques : y a-t-il dans aucune espèce d’oiseaux libres une fécondité comparable à celle d’une poule bien nourrie, bien fêtée par son coq ? Et dans l’espèce humaine quelle différence entre la chétive propagation des sauvages et l’immense population des nations civilisées et bien gouvernées ? mais nous ne parlons ici que de la fécondité naturelle aux animaux dans leur état de pleine liberté ; on en verra d’un coup d’œil les rapports dans la table suivante, de laquelle on pourra tirer quelques conséquences utiles à l’histoire naturelle. »

Il insiste à tort ou à raison sur ce que « l’ardeur du tempérament dans le mâle est nécessaire pour la bonne génération, et surtout pour la nombreuse multiplication », tandis qu’elle nuit au contraire dans la femelle, et l’empêche presque toujours « de retenir et de concevoir[1] ». À l’appui de cette proposition il ajoute : « Ce fait est généralement vrai, soit dans les animaux, soit dans l’espèce humaine : les femmes les plus froides avec les hommes les plus chauds engendrent un grand nombre d’enfants ; il est rare, au contraire, qu’une femme produise, si elle est trop sensible au physique de l’amour. L’acte par lequel on arrive à la génération n’est alors qu’une fleur sans fruit, un plaisir sans effet ; mais aussi dans la plupart des femmes qui sont purement passives, c’est un fruit qui se produit sans fleur ; car l’effet de cet acte est d’autant plus sûr, qu’il est moins troublé dans la femelle par les convulsions du plaisir : elles sont si marquées dans quelques-unes, et même si nuisibles à la conception dans quelques femelles, telles que l’ânesse, qu’on est obligé de leur jeter de l’eau sur la croupe ou même de les frapper rudement pour les calmer ; sans ce secours désagréable elles ne deviendraient pas mères, ou du moins ne le deviendraient que fort tard, lorsque dans un âge plus avancé la grande ardeur du tempérament serait éteinte ou ne subsisterait qu’en partie. On est quelquefois obligé de se servir des mêmes moyens pour faire concevoir les juments.

» Mais, dira-t-on, les chiennes et les chattes, qui paraissent être encore plus ardentes en amour que la jument et l’ânesse, ne manquent néanmoins jamais de concevoir ; le fait que vous avancez sur l’infécondité des femelles trop ardentes en amour n’est donc pas général et souffre de grandes exceptions. Je réponds que l’exemple des chiennes et des chattes, au lieu de faire une exception à la règle, en serait plutôt une confirmation ; car, à quelque excès qu’on veuille supposer les convulsions intérieures des organes

  1. Buffon, t. IV, p. 516.