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des produits féconds ; il cite aussi des exemples de mulet mâle ayant donné des petits avec des juments, et de chevaux en ayant produit avec la mule. Il insiste sur le fait que les serins et les chardonnerets, qui sont manifestement d’espèces différentes, donnent des petits indéfiniment féconds ; sur celui de mulets engendrés par le croisement de la louve avec le chien, etc. J’ai à peine besoin d’ajouter que le nombre des croisements d’espèces animales ou végétales donnant des produits indéfiniment féconds augmente chaque jour. Je me bornerai à citer le léporide, très fécond, obtenu par le croisement du lièvre et du lapin, le produit également fécond du mouton et de la chèvre que l’on élève au Chili depuis de nombreuses années. Rien n’est donc mieux démontré que la possibilité de croiser des espèces distinctes pour obtenir des espèces intermédiaires. Mais ce qui me paraît curieux à signaler ici, c’est la façon dont Buffon cherche à expliquer pourquoi le croisement des espèces n’est pas toujours possible et ne donne que rarement des produits féconds.

Explication de l’infécondité habituelle des métis d’après Buffon. Il commence par affirmer « qu’aucun animal provenant de deux espèces distinctes n’est absolument infécond ». Mais il fait remarquer que les différentes espèces ne sont pas également fécondes, que les espèces les plus petites sont beaucoup plus prolifiques que les grandes[1] : « Tous les mulets, dit le préjugé, sont des animaux viciés qui ne peuvent produire ; aucun animal, quoique provenant de diverses espèces, n’est absolument infécond, disent l’expérience et la raison : tous, au contraire, peuvent produire, et il n’y a de différence que du plus au moins ; seulement on doit observer que dans les espèces pures, ainsi que dans les espèces mixtes, il y a de grandes différences dans la fécondité. Dans les premières, les unes, comme les poissons, les insectes, etc., se multiplient chaque année par milliers, par centaines ; d’autres, comme les oiseaux et les petits animaux quadrupèdes, se reproduisent par vingtaines, par douzaines ; d’autres enfin, comme l’homme et tous les grands animaux, ne se reproduisent qu’un à un. Le nombre dans la production est, pour ainsi dire, en raison inverse de la grandeur des animaux. Le cheval et l’âne ne produisent qu’un par an, et dans le même espace de temps les souris, les mulots, les cochons d’Inde, produisent trente ou quarante. La fécondité de ces petits animaux est donc trente ou quarante fois plus grande ; et en faisant une échelle des différents degrés de fécondité, les petits animaux que nous venons de nommer seront aux points les plus élevés, tandis que le cheval, ainsi que l’âne, se trouveront presque au terme de la moindre fécondité, car il n’y a guère que l’éléphant qui soit encore moins fécond. »

Il fait remarquer aussi que les espèces domestiques sont beaucoup plus fécondes que les espèces sauvages et qu’il en est de même parmi les hommes[2].

  1. Buffon, t. IV, p. 515.
  2. Ibid., p. 517