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perfectionner les espèces ; c’est même le plus beau droit qu’il ait sur la nature. Avoir transformé une herbe stérile en blé est une espèce de création dont cependant il ne doit pas s’enorgueillir, puisque ce n’est qu’à la sueur de son front et par des cultures réitérées qu’il peut tirer du sein de la terre ce pain souverain qui fait sa subsistance ».

Influence du croisement. Buffon attribue une grande importance au croisement des races et des espèces comme cause de production de races et d’espèces nouvelles.

Variations moins fréquentes dans les espèces monogames. Il insiste sur la nécessité de croiser les familles, les races et les individus provenant de localités différentes. Il est un autre détail d’observation que je veux signaler ici parce qu’il témoigne de la grande sagacité de son esprit. Il fait remarquer[1] que « dans les espèces, comme celle du chevreuil, où le mâle s’attache à sa femelle et ne la change pas, les petits démontrent la constante fidélité de leurs parents par leur entière ressemblance entre eux », tandis que « dans celles, au contraire, où les femelles changent souvent de mâle, comme dans celle du cerf, il se trouve des variétés assez nombreuses ».

Variations plus grandes dans les espèces qui produisent beaucoup de petits. Il note encore la fréquence plus grande des variations individuelles dans les espèces qui produisent un plus grand nombre de petits, « comme dans la nature il n’y a pas un seul individu qui soit parfaitement ressemblant à un autre, il se trouve d’autant plus de variétés dans les animaux que le nombre de leurs produits est plus grand et plus fréquent. Dans les espèces où la femelle produit cinq ou six petits, trois ou quatre fois par an, de mâles différents, il est nécessaire que le nombre des variétés soit beaucoup plus grand que dans celles où le produit est annuel et unique ; aussi les espèces inférieures, les petits animaux, qui tous produisent plus souvent et en plus grand nombre que ceux des espèces majeures, sont-elles sujettes à plus de variétés ».

L’hybridité d’après Buffon. Enfin, il s’occupe, dans un grand nombre de parties de son œuvre, de la question, tant débattue à toutes les époques, de l’hybridité, c’est-à-dire du croisement des races et des espèces. En s’en tenant à la lettre, on pourrait dire qu’il admet le croisement indéfiniment fécond des races, tandis qu’il croit à l’infécondité des produits issus du croisement des animaux appartenant à des espèces distinctes. Il insiste en maints passages, sur ce fait que les animaux de même espèce peuvent s’accoupler en donnant des produits indéfiniment féconds, tandis qu’il cite plus d’une expérience d’impossibilité d’accouplement des animaux d’espèces distinctes ou d’accouplement suivi de produits inféconds, mais il fournit lui-même d’autres expériences, dans lesquelles des animaux d’espèces manifestement distinctes ont donné des produits indéfiniment féconds. Dans son remarquable mémoire sur les mulets, il cite des faits de croisement de la brebis avec le bouc ayant donné

  1. Buffon, t. IV, p. 479.