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si générale et si marquée du climat de Syrie, jointe à la domesticité de ces animaux chez un peuple très anciennement policé, aura produit avec le temps cette variété, qui ne se maintiendrait pas dans un autre climat. Les chèvres d’Angora, nées en France, n’ont pas les oreilles aussi longues ni aussi pendantes qu’en Syrie, et reprendraient vraisemblablement les oreilles et le poil de nos chèvres après un certain nombre de générations. »

Influence de la domestication. Buffon n’ignorait pas, on l’a vu déjà par les citations précédentes, que les animaux domestiques varient beaucoup plus facilement que les animaux sauvages. Dans plusieurs de ses mémoires il revient sur cette importante question ; et l’on peut dire que tous les auteurs contemporains, et particulièrement Darwin, dans son très beau livre sur les « Variations des animaux et des plantes sous l’influence de la domestication », n’ont fait que paraphraser les idées du naturaliste français du xviiie siècle. « On trouvera, dit-il[1], sur tous les animaux esclaves les stigmates de leur captivité et l’empreinte de leurs fers ; on verra que ces plaies sont d’autant plus grandes, d’autant plus incurables, qu’elles sont plus anciennes, et que, dans l’état où nous les avons réduits, il ne serait peut-être plus facile de les réhabiliter ni de leur rendre leur forme primitive et les autres attributs de nature que nous leur avons enlevés. »

Il dit dans l’histoire du chien[2] : « Ceux (les animaux) que l’homme s’est soumis, ceux qu’il a transportés de climats en climats, ceux dont il a changé la nourriture, les habitudes et la manière de vivre, ont aussi dû changer pour la forme plus que tous les autres ; et l’on trouve en effet bien plus de variété dans les espèces d’animaux domestiques que dans celles des animaux sauvages. Et comme parmi les animaux domestiques le chien est, de tous, celui qui s’est attaché à l’homme de plus près ; celui qui, vivant comme l’homme, vit aussi le plus irrégulièrement ; celui dans lequel le sentiment domine assez pour le rendre docile, obéissant et susceptible de toute impression, et même de toute contrainte, il n’est pas étonnant que de tous les animaux, ce soit aussi celui dans lequel on trouve les plus grandes variétés pour la figure, pour la taille, pour la couleur et pour les autres qualités. »

Il me paraît inutile de mettre ici en relief tous les caractères que Buffon signale comme susceptibles de varier sous l’influence de la domestication. Il insiste particulièrement sur la taille, la forme, la couleur, la nature du poil, des cornes, etc. (Voy. à cet égard, t. IV, p. 473, ce qu’il dit des transformations subies par nos brebis, nos bœufs, nos chiens, etc.) Là se trouve la base de toutes les observations publiées par Darwin.

Il insiste sur la difficulté qu’il y aurait à retrouver la forme primitive de nos chiens, de notre blé, etc., à cause des transformations profondes qu’ils

  1. Buffon, t. IV, p. 472.
  2. T. VIII, p. 588.