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ensuite perpétuées par la génération, sont devenues les caractères généraux et constants auxquels on reconnaît les races et même les nations différentes qui composent le genre humain. Dans les animaux, ces effets sont plus prompts et plus grands : parce qu’ils tiennent à la terre de bien plus près que l’homme ; parce que leur nourriture étant plus uniforme, plus constamment la même, et n’étant nullement préparée, la qualité en est plus décidée et l’influence plus forte ; parce que d’ailleurs les animaux ne pouvant ni se vêtir, ni s’abriter, ni faire usage de l’élément du feu pour se réchauffer, ils demeurent vivement exposés et pleinement livrés à l’action de l’air et à toutes les intempéries. »

Influence des mœurs. Relativement à l’influence des mœurs sur la production des caractères particuliers aux diverses races humaines, il écrit : « Il paraît que la couleur dépend beaucoup du climat, sans cependant qu’on puisse dire qu’elle en dépende entièrement ; il y a en effet plusieurs causes qui doivent influer sur la couleur et même sur la forme du corps et des traits des différents peuples : l’une des principales est la nourriture, et nous examinerons dans la suite les changements qu’elle peut occasionner. Une autre qui ne laisse pas de produire son effet sont les mœurs ou la manière de vivre ; un peuple policé qui vit dans une certaine aisance, qui est accoutumé à une vie réglée, douce et tranquille, qui par les soins d’un bon gouvernement est à l’abri d’une certaine misère et ne peut manquer des choses de première nécessité, sera par cette seule raison composé d’hommes plus forts, plus beaux et mieux faits qu’une nation sauvage et indépendante, où chaque individu, ne tirant aucun secours de la société, est obligé de pourvoir à sa subsistance, de souffrir alternativement la faim ou les excès d’une nourriture souvent mauvaise, de s’épuiser de travaux ou de lassitude, d’éprouver les rigueurs du climat sans pouvoir s’en garantir, d’agir en un mot plus souvent comme animal que comme homme. En supposant ces deux différents peuples sous un même climat, on peut croire que les hommes de la nation sauvage seraient plus basanés, plus laids, plus petits, plus ridés que ceux de la nation policée. S’ils avaient quelque avantage sur ceux-ci, ce serait par la force ou plutôt par la dureté de leur corps ; il pourrait se faire aussi qu’il y eût dans cette nation sauvage beaucoup moins de bossus, de boiteux, de sourds, de louches, etc. Ces hommes défectueux vivent et même se multiplient dans une nation policée où l’on se supporte les uns les autres, où le fort ne peut rien contre le faible, où les qualités du corps font beaucoup moins que celles de l’esprit ; mais dans un peuple sauvage, comme chaque individu ne subsiste, ne vit, ne se défend que par ses qualités corporelles, son adresse et sa force, ceux qui sont malheureusement nés faibles, défectueux, ou qui deviennent incommodés, cessent bientôt de faire partie de la nation.

» J’admettrais donc trois causes qui toutes trois concourent à produire les