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chevaux de race barbe ou espagnole, sans aucun mélange avec d’autres races, ne laisseront pas de devenir des chevaux français : en sorte que, pour perpétuer les beaux chevaux, on est obligé de croiser les races, en faisant venir de nouveaux étalons d’Espagne ou de Barbarie. Le climat et la nourriture influent donc sur la forme des animaux d’une manière si marquée, qu’on ne peut pas douter de leurs effets ; et quoiqu’ils soient moins prompts, moins apparents et moins sensibles sur les hommes, nous devons conclure par analogie que ces effets ont lieu dans l’espèce humaine, et qu’ils se manifestent par les variétés qu’on y trouve. »

Influence de la nourriture. Dans un autre mémoire[1], il distingue avec soin les variations produites par le climat de celles qu’il attribue à la nourriture : « La couleur de la peau, des cheveux et des yeux varie par la seule influence du climat ; les autres changements, tels que ceux de la taille, de la forme des traits et de la qualité des cheveux ne me paraissent pas dépendre de cette seule cause ; car dans la race des nègres, lesquels, comme l’on sait ont pour la plupart la tête couverte d’une laine crépue, le nez épaté, les lèvres épaisses, on trouve des nations entières avec de longs et vrais cheveux, avec des traits réguliers ; et si l’on comparait dans la race des blancs le Danois au Calmouck, ou seulement le Finlandais au Lapon dont il est voisin, on trouverait entre eux autant de différence pour les traits et la taille qu’il y en a dans la race des noirs ; par conséquent, il faut admettre pour ces altérations, qui sont plus profondes que les premières, quelques autres causes réunies avec celles du climat ; la plus générale et la plus directe est la qualité de la nourriture ; c’est principalement par les aliments que l’homme reçoit l’influence de la terre qu’il habite, celle de l’air et du ciel agit plus superficiellement ; et tandis qu’elle altère la surface la plus extérieure en changeant la couleur de la peau, la nourriture agit sur la forme intérieure par ses propriétés qui sont constamment relatives à celles de la terre qui la produit. On voit dans le même pays des différences marquées entre les hommes qui en occupent les hauteurs et ceux qui demeurent dans les lieux bas ; les habitants de la montagne sont toujours mieux faits, plus vifs et plus beaux que ceux de la vallée ; à plus forte raison dans des climats éloignés du climat primitif, dans des climats où les herbes, les fruits, les grains et la chair des animaux sont de qualité et même de substance différentes, les hommes qui s’en nourrissent doivent devenir différents. Ces impressions ne se font pas subitement ni même dans l’espace de quelques années ; il faut du temps pour que l’homme reçoive la teinture du ciel, il en faut encore plus pour que la terre lui transmette ses qualités ; et il a fallu des siècles joints à un usage toujours constant des mêmes nourritures pour influer sur la forme des traits, sur la grandeur du corps, sur la substance des cheveux, et produire ces altérations intérieures, qui, s’étant

  1. De la dégénération des animaux, t. IV, p. 471.