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sivement départis. » Dans un autre ouvrage[1] il dit encore à propos de la résistance de l’homme à l’action du milieu extérieur : « L’homme se défend mieux que l’animal de l’intempérie du climat ; il se loge, il se vêtit convenablement aux saisons ; sa nourriture est aussi beaucoup plus variée, et par conséquent elle n’influe pas de la même façon sur tous les individus. »

Malgré cela, l’homme a subi d’une façon profonde l’influence du climat, de la nourriture et des mœurs auxquelles il a été soumis. « Les grandes différences, dit-il[2], c’est-à-dire les principales variétés dépendent entièrement de l’influence du climat. On doit entendre par climat non seulement la latitude plus ou moins élevée, mais aussi la hauteur et la dépression des terres, leur voisinage ou leur éloignement des mers, leur situation par rapport aux vents, et surtout au vent d’est, toutes les circonstances en un mot, qui concourent à former la température de chaque contrée ; car c’est de cette température, plus ou moins chaude ou froide, humide ou sèche, que dépend non seulement la couleur des hommes, mais l’existence même des espèces d’animaux et de plantes qui tous affectent de certaines contrées et ne se trouvent pas dans d’autres ; c’est de cette même température que dépend par conséquent la différence de la nourriture des hommes, seconde cause qui influe beaucoup sur leur tempérament, leur naturel, leur grandeur et leur force. »

Il dit encore, dans son remarquable mémoire sur les Variétés dans l’espèce humaine[3] : « On peut donc regarder le climat comme la cause première et presque unique de la couleur des hommes ; mais la nourriture, qui fait à la couleur beaucoup moins que le climat, fait beaucoup à la forme. Des nourritures grossières, malsaines ou mal préparées peuvent faire dégénérer l’espèce humaine : tous les peuples qui vivent misérablement sont laids et mal faits ; chez nous-mêmes les gens de la campagne sont plus laids que ceux des villes, et j’ai souvent remarqué que dans les villages où la pauvreté est moins grande que dans les autres villages voisins, les hommes y sont aussi mieux faits et les visages moins laids. L’air et la terre influent beaucoup sur la forme des hommes, des animaux, des plantes : qu’on examine dans le même canton les hommes qui habitent les terres élevées, comme les coteaux ou le dessus des collines, et qu’on les compare avec ceux qui occupent le milieu des vallées voisines, on trouvera que les premiers sont agiles, dispos, bien faits, spirituels, et que les femmes y sont communément jolies, au lieu que dans le plat pays, où la terre est grosse, l’air épais, et l’eau moins pure, les paysans sont grossiers, pesants, mal faits, stupides, et les paysannes presque toutes laides. Qu’on amène des chevaux d’Espagne ou de Barbarie en France, il ne sera pas possible de perpétuer leur race ; ils commencent à dégénérer dès la première génération, et à la troisième ou quatrième ces

  1. Le Cheval, t. VIII, p. 500.
  2. T. XI, p. 297.
  3. Ibid., p. 220.