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ouvrage chez lui, il était curieusement observé par un de ses laquais. Au bout de quelques jours, voyant toujours la même chose, il lui en demanda la raison ; ce valet lui demanda à son tour s’il était bien content de M. de Buffon et si son ouvrage avait du succès dans le public. M. de Fitz-James lui dit qu’il avait le plus grand succès. « Me voilà bien content, dit le valet ; car je vous avoue, monsieur, que M. de Buffon nous fait tant de bien à nous autres habitants de Montbard, que nous ne pouvons pas rester indifférents au succès de ses ouvrages. »

Le 6 mai 1771, à la suite d’une maladie qui avait mis les jours de Buffon en danger, le maire et les échevins de la ville de Montbard, informés de la prochaine arrivée de leur illustre compatriote, se réunirent et prirent la délibération suivante, dont le texte est conservé dans les archives de la ville : « La Chambre, ayant appris que M. de Buffon, intendant du Jardin du Roi, devait être de retour ici le 8 de ce mois, et mettant en considération que le vœu des habitants de cette ville est de lui témoigner l’intérêt qu’ils ont pris au danger qu’il a couru dans la maladie fâcheuse qu’il vient d’essuyer et de lui donner des marques publiques de leur attachement à l’occasion du rétablissement de sa santé, il a été délibéré que, pour rendre à M. de Buffon les honneurs de cette ville, l’on fera tirer le canon à son arrivée, que l’on mettra sous les armes une compagnie de milice bourgeoise, composée de jeunes gens, qui se trouvera à son entrée à la ville, et que la Chambre ira en corps lui faire compliment. »

Ces honneurs quasi-royaux témoignent de l’affection et de l’estime que Buffon avait su inspirer à ses compatriotes et de l’immense popularité que ses ouvrages lui avaient procurée.

L’admiration que lui témoignait la foule, il la trouvait, à un degré plus élevé encore, dans son entourage le plus immédiat. Sur la dernière page de l’Histoire de la terre, son père, avec lequel il avait eu cependant quelques démêlés à propos de son second mariage avec Antoinette Nadault, fille d’un maire de Montbard élu aux états généraux de la province, écrivait, d’une main rendue tremblante par ses quatre-vingts ans : Sancte clarissime, ora pro nobis, l’appelait le « nouveau saint de la légende » et tombait à ses genoux en lui entendant lire l’invocation à l’Être suprême qui termine la seconde Vue de la nature.

Séduite par les grâces de sa personne, par sa tournure majestueuse, par le charme de sa conversation et la puissance de son esprit, une jeune fille de grande maison et d’une rare beauté, Mlle de Saint-Belin-Mâlain, mettait ses dix-huit ans aux pieds de son génie et lui vouait une affection admirative qui ne se démentit jamais.

Buffon avait quarante-trois ans quand il contracta cette union. « L’âge, dit Condorcet, dans son éloge académique, avait fait perdre à M. de Buffon une partie des agréments de la jeunesse ; mais il lui restait une taille avan-