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comme la nature ne connaît pas nos définitions, qu’elle n’a jamais rangé ses ouvrages par tas, ni les êtres par genres, que sa marche au contraire va toujours par degrés, et que son plan est nuancé partout et s’étend en tout sens, il doit se trouver entre le genre du singe et celui du babouin quelque espèce intermédiaire qui ne soit précisément ni l’un ni l’autre, et qui cependant participe des deux. Cette espèce intermédiaire existe en effet, et c’est l’animal que nous appelons magot ; il se trouve placé entre nos deux définitions ; il fait la nuance entre les singes et les babouins ; il diffère des premiers en ce qu’il a le museau allongé et de grosses dents canines ; il diffère des seconds parce qu’il n’a réellement point de queue, quoiqu’il ait un petit appendice de peau qui a l’apparence d’une naissance de queue ; il n’est par conséquent ni singe ni babouin, et tient en même temps de la nature des deux. »

Il fait suivre l’énumération des guenons de réflexions analogues[1] : « Et comme la nature est constante dans sa marche, qu’elle ne va jamais par sauts, et que toujours tout est gradué, nuancé, on trouve entre les babouins et les guenons une espèce intermédiaire, comme celle du magot l’est entre les singes et les babouins : l’animal qui remplit cet intervalle, et forme cette espèce intermédiaire, ressemble beaucoup aux guenons, surtout au macaque, et en même temps il a le museau fort large, et la queue courte comme les babouins : ne lui connaissant point de nom, nous l’avons appelé maimon pour le distinguer des autres ; il se trouve à Sumatra ; c’est le seul de tous ces animaux, tant babouins que guenons, dont la queue soit dégarnie de poil ; et c’est par cette raison que les auteurs qui en ont parlé l’ont désigné par la dénomination de singe à queue de cochon, ou de singe à queue de rat. »

Rapports des singes avec l’homme d’après Buffon. Il montre ensuite les rapports qui existent entre les quadrumanes et l’homme : « Les quadrumanes, dit-il[2], remplissent le grand intervalle qui se trouve entre l’homme et les quadrupèdes[3] ; les bimanes sont un terme moyen dans la distance encore plus grande de l’homme aux cétacés ; les bipèdes avec des ailes font la nuance des quadrupèdes aux oiseaux, et les fissipèdes, qui se servent de leurs pieds comme de mains, remplissent tous les degrés qui se trouvent entre les quadrumanes et les quadrupèdes ; mais c’est nous arrêter assez sur cette vue : quelque utile qu’elle puisse être pour la connaissance distincte des animaux, elle l’est encore plus par l’exemple, et par la nouvelle preuve qu’elle nous donne qu’il n’y a aucune de nos définitions qui soit précise, aucun de nos termes généraux qui soit exact, lors-

  1. Buffon, t. X, p. 91.
  2. Ibid., p. 95.
  3. On sait aujourd’hui que les singes ne méritent pas véritablement le nom de quadrumanes ; leurs membres postérieurs sont terminés, en effet, comme ceux de l’homme, par de véritables pieds, mais par des pieds à pouce opposable. Leurs rapports avec l’homme n’en sont donc que plus étroits.