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matière qui correspond à ce mouvement, puisque la forme de la matière n’est que la résultante de la nature du mouvement de ses atomes.

Tandis que Darwin est obligé d’admettre le passage successif des mêmes atomes matériels dans toute la série des générations, nous n’avons besoin, comme Hæckel, que de la transmission des atomes d’un générateur à son produit direct ; les atomes entraînent ensuite eux-mêmes, dans leur mouvement propre, tous les atomes nutritifs qui viennent à leur contact et qui servent à l’accroissement des tissus.

À l’aide de la théorie des atomes tourbillons nous pouvons donc expliquer non seulement tous les phénomènes dont la matière inorganique est le siège, mais encore la nutrition, l’accroissement, la reproduction des êtres vivants, et la transmission des formes et des caractères spécifiques et individuels, c’est-à-dire l’hérédité. La mémoire, ne serait elle-même que la persistance d’un mouvement particulier des atomes tourbillons de certaines cellules cérébrales.

L’univers nous offre ainsi, malgré les diversités infinies de formes et de propriétés que présentent ses différentes parties, une admirable unité de constitution et de propriété : ses matériaux se résolvant en une matière unique, « l’éther », et ses propriétés se réduisant à une seule, « le mouvement ».

Nous avons répondu à la première des deux questions que nous avions posées plus haut. Nous restons en présence de la seconde : d’où viennent les espèces ?



VI

DE LA FORMATION DES ESPÈCES ANIMALES ET VÉGÉTALES.
IDÉES DE BUFFON. — IDÉES MODERNES.


Il n’y a pas de problème qui ait soulevé plus de discussions ardentes que celui de l’origine des espèces. La politique et la religion s’étant mises de la partie, la science s’est trouvée gênée, pendant longtemps, dans l’expression des solutions qu’elle trouvait, et l’on peut dire que c’est à peine si à l’heure actuelle elle est, dans ce domaine, entièrement libre de ses mouvements.

Dans l’exposé rapide qui va suivre des efforts tentés par les savants pour atteindre la vérité, j’aurai soin de me dégager non seulement de toute préoccupation étrangère à la science, mais encore de tout préjugé d’école scientifique. En cela je ne ferai que suivre l’exemple de Buffon.

À l’époque où parurent les premiers volumes de l’Histoire naturelle, l’idée la plus répandue parmi les naturalistes, était celle de la fixité des