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extrêmement minime de pepsine pour transformer une énorme quantité de matières albuminoïdes ; il y a tant de disproportion entre la quantité de la matière modifiante et celle de la matière modifiée qu’on ne peut pas voir dans l’action de la première un simple acte chimique ; on ne peut l’expliquer que par un phénomène mécanique, et je crois ne pas sortir des bornes d’une hypothèse rigoureusement scientifique en émettant l’idée que les atomes de la pepsine transmettent leurs mouvements à ceux des substances albuminoïdes avec une intensité telle qu’ils troublent l’équilibre physique de ces dernières au point d’en déterminer la décomposition chimique.

Appliquons cette hypothèse aux cellules vivantes et nous arriverons à cette idée que quand une substance étrangère est mise en rapport avec leurs plastidules par la nutrition, il peut se produire deux cas : ou bien les plastidules vivantes entraînent dans leur mouvement les molécules étrangères, et il y a accroissement des cellules sans modification de leurs propriétés vitales, chaque cellule d’un organisme pluricellulaire conservant depuis la naissance jusqu’à la mort ses caractères et ses propriétés individuelles ; ou bien les molécules étrangères modifient le mouvement propre aux plastidules vivantes, et il y a trouble dans les fonctions vitales des cellules ou même mort de ces dernières.

L’hypothèse de l’unité de la matière et des atomes tourbillons peut nous servir à expliquer un deuxième fait, aussi important que difficile à interpréter, celui de la persistance des caractères spécifiques. Si nous envisageons une cellule qui se divise en deux ou plusieurs cellules nouvelles, soit par segmentation totale ou partielle, soit par bourgeonnement, nous comprenons facilement que toutes les cellules issues de sa division doivent lui ressembler. Toutes ces cellules-filles ne sont, en effet, que des fragments, des portions de la cellule-mère. Mais il paraît beaucoup plus difficile d’expliquer comment il se fait qu’un bourgeon d’un arbre ou d’un polype reproduise un arbre ou un polype ; la difficulté paraît d’autant plus grande que les cellules entrant dans la constitution de l’arbre ou du polype sont de sortes très diverses, tandis que le bourgeon, du moins à l’état jeune, est constitué par des cellules peu différentes, en apparence, les unes des autres. Dans la reproduction par des œufs et des spermatozoïdes, il est encore bien plus difficile d’expliquer comment d’une cellule très simple peuvent sortir les éléments, si divers par leurs formes et leurs propriétés, qui entrent dans l’organisation des animaux ou des végétaux supérieurs.

M. Darwin nous dit : « Il y a dans l’œuf des particules provenant de toutes les sortes de cellules de l’organisme, nous ne devons donc pas être étonnés que l’œuf donne naissance à des cellules semblables à celles qui ont fourni ces particules. » À cela, M. Hæckel objecte la difficulté d’admettre que ces particules de toutes les parties du corps se réunissent ainsi dans l’œuf, et il dit : « Il n’y a pas transmission de matière, mais seulement communication de