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dans les plastidules des éléments reproducteurs, qui le transmettent aux plastidules des cellules de l’individu nouveau ; cela constitue l’hérédité. Ce mouvement est modifié par les conditions extérieures ; c’est l’adaptation.

À la question posée plus haut : pourquoi un homme ressemble-t-il à l’homme qui lui a donné naissance ? pourquoi tout être vivant ressemble-t-il à celui qui l’a produit ? Hæckel répond donc : parce que les mouvements des plastidules du premier homme sont transmis, par l’intermédiaire de l’œuf, aux plastidules du second.

Si nous comparons la théorie de la périgenèse à celle de la pangenèse de Darwin et à celle des « molécules organiques » de Buffon, nous voyons que la différence essentielle existant entre elles réside, comme je l’ai dit plus haut, en ce que Darwin et Buffon supposent la transmission, d’individus à individus, de molécules organiques, tandis que Hæckel admet seulement la transmission du mouvement : « Mon hypothèse de la périgenèse des plastidules, dit-il excellemment[1], s’appuie sur le principe mécanique de la communication du mouvement. »

De ces trois théories, la plus simple est incontestablement celle de Hæckel. Elle a sur les deux autres l’avantage immense de ne pas exiger la conservation de particules matérielles à travers un nombre de générations réellement indéfini, conservation presque aussi difficile à concevoir que l’emboîtement des germes de Bonnet. Elle a cet autre avantage de s’accorder beaucoup mieux avec la théorie atomique admise par les physiciens et décrite plus haut ; mais, telle qu’elle a été présentée par Hæckel, elle me paraît fort imparfaite à plus d’un égard.

Hæckel n’explique ni comment s’effectue la communication du mouvement entre les plastidules, ni quelle est l’organisation intime de ces dernières, ni par suite de quel mécanisme la communication du mouvement détermine dans le produit la formation des mêmes éléments anatomiques et des diverses sortes de ces éléments qui existaient chez le producteur. En un mot, nous ne voyons pas très clairement, dans la théorie d’Hæckel, par suite de quels phénomènes la communication, du mouvement des plastidules de la mère à celles de l’œuf détermine la ressemblance de l’enfant à la mère.

Les atomes tourbillons, les phénomènes biologiques et l’hérédité. Peut-être trouverait-on la réponse à ces questions dans la théorie des atomes tourbillons que j’ai exposée plus haut. Si l’on admet que la matière est « une », et que les corps simples ou composés ne diffèrent les uns des autres que par le mode d’agrégation de leurs atomes et par les caractères des mouvements de ces derniers, il devient plus facile de comprendre et la communication et la perpétuation du mouvement en même temps que la perpétuation des formes. En premier lieu, si nous considérons les plastidules comme des agrégations

  1. Hæckel, Essais de psychologie cellulaire, trad. fr., p. 82.